On s'attendait à l'éradication des talibans, c'est le gouvernement néerlandais qui démissionne à cause de l'Afghanistan. Les temps sont durs pour les troupes de l'Otan en Afghanistan. Malgré des discours et des postures médiatiques dignes des républiques bananières des années 60 et qui ne trompent plus leur monde. Pas plus tard que la semaine dernière, l'Otan a annoncé le lancement de la plus importante opération depuis le début de l'intervention américaine en Afghanistan en 2001. Les éminents stratèges ont choisi Marjah pour cette opération. Une petite ville du sud de l'Afghanistan dont bien évidemment personne n'a entendu parler jusqu'ici. Il s'agirait — toujours aux dires des éminents stratèges — d'un test majeur pour la nouvelle stratégie de l'Otan en Afghanistan. Résultat : jusqu'à hier, on annonçait douze soldats de l'Otan déjà tués dans l'offensive. Des informations filtrées par les renseignements suggéraient en outre que plus de 120 insurgés auraient été tués. Franchement, il n'y a guère matière à quelque triomphalisme. Le Président afghan lui-même s'en est pris à cette mascarade. Dans un discours prononcé hier devant le Parlement afghan en ouverture de session, il a fustigé le fait que des civils innocents continuaient d'être victimes des interventions militaires de l'Otan. Il a brandi la photo d'une petite fille de huit ans, seule survivante aux tirs de deux roquettes de l'Otan qui se sont abattues sur la maison familiale et ont tué ses 12 proches à Marjah. "C'est une tragédie pour tout l'Afghanistan", a déploré Hamid Karzaï. Le Chef de l'Etat afghan a par ailleurs appelé les talibans à déposer les armes et à rejoindre le gouvernement. "Arrêtez la guerre. Revenez chez vous et contribuez à la reconstruction", leur a-t-il lancé du haut de la tribune parlementaire. Ce qui en dit long sur la supposée éradication militaire et politique des talibans annoncée à hue et à dia par l'Otan. Deuxième coup dur : à l'issue de quatorze heures de tractations, le gouvernement néerlandais de Jan Peter Balkenende n'est pas parvenu hier à s'entendre sur le maintien du contingent néerlandais en Afghanistan. Résultat : démission du gouvernement de coalition et appel à des élections législatives anticipées dans trois mois. Paradoxalement, c'est l'Otan qui a mis le feu aux poudres. Vendredi, le Conseil des ministres s'est étripé sur une requête d'Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire général de l'Otan. Dans une lettre au gouvernement envoyée le 4 février et négociée avec le ministre néerlandais des Affaires étrangères, M. Rasmussen évoquait le maintien de soldats néerlandais jusqu'en août 2011, en Oruzgan, dans le sud de l'Afghanistan. Il faut savoir qu'en vertu d'une décision adoptée par le gouvernement en 2007, les militaires néerlandais (2.000 soldats) devaient amorcer leur retrait d'Afghanistan le 1er août 2010 et l'avoir achevé le 1er décembre. Or, les Etats-Unis d'Amérique — et l'Otan dans leur sillage — n'ont eu de cesse ces derniers temps de mettre la pression sur le gouvernement néerlandais en vue d'un prolongement de la présence de ses troupes en Afghanistan. Ils invoquent le changement de stratégie sur le terrain afghan décidé par le Président américain Barack Obama. Cela tombe mal. De récentes révélations ont mis à jour les conditions juridiquement douteuses de l'engagement néerlandais dans la guerre d'Irak en 2003. Par ailleurs, les sondages montrent bien que plus d'un Néerlandais sur deux réclament la fin de la mission militaire afghane. Bref, c'est la foire d'empoigne, partout. A cause d'un pays où, quoiqu'on dise, l'insurrection ne sera jamais vaincue. Parce que dans ce pays-tombeau des empires, la lutte contre l'envahisseur tient de la coutume nationale, d'élément anthropologique fondateur. Les troupes d'Alexandre Le Grand y ont mordu la poussière et, au fil des siècles, les Britanniques, les Russes et les Américains l'ont constaté à leurs dépens. On ne voit pas pourquoi les forces de l'Otan ou de l'Amérique d'Obama échapperaient à la règle.