Par Soufiane BEN FARHAT Les décomptes macabres des victimes des guerres sont les moins enthousiastes. On s'en doute. Parce qu'il s'agit de vies humaines. Et rien ne déplaît autant aux hommes que la mort. Les chiffres révélés hier sont symptomatiques. Les pertes militaires dans les rangs des forces étrangères ont dépassé la barre des 2.000 morts en Afghanistan. Autant dire un camouflet au Président américain Barack Obama. Il semblait s'y attendre. Encore une fois, il avait déjà promis une nouvelle stratégie en Afghanistan en décembre, après les élections de mi-mandat. Entre-temps, lui et ses partisans peuvent bien faire les frais du scepticisme de larges franges de l'opinion américaine à l'endroit de l'engagement militaire américain en Afghanistan. Son précurseur à la Maison-Blanche — le Président George W. Bush — en sait quelque chose. Et en Europe, la guerre d'Afghanistan a déjà fait tomber le gouvernement néerlandais et le Président allemand. Selon le décompte du site Icasualties.org, 2.002 soldats étrangers ont été tués en Afghanistan depuis le début du conflit. Parmi eux, on dénombre 1.226 soldats américains, 331 Britanniques et 445 soldats répartis entre les 44 partenaires de l'Otan opérant au sein de la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf). Dans le détail, la gravité des faits ressort davantage. Ainsi, le mois de juin 2010 fut-il le plus meurtrier depuis 2001 avec la perte de 102 membres des forces de sécurité étrangères. Près de dix ans après le début du conflit, on en est encore à la case du plus tragique en somme. En juillet, 88 soldats étrangers ont été tués. Le nombre des victimes depuis le début de l'année atteint ainsi 434 morts. Et ce n'est que la partie visible de l'iceberg de surcroît. Les généraux américains, britanniques et les hauts responsables de l'Otan sont catégoriques. A les entendre, le conflit afghan est en passe d'entrer dans une phase encore plus meurtrière. Les troupes de l'Isaf se préparant à mener des offensives contre des bastions talibans situés dans le Sud et contre d'autres fiefs dans l'Est de l'Afghanistan. En d'autres termes, les forces étrangères vont subir encore plus de pertes. Car si elles ont déjà perdu 102 soldats en juin, c'est précisément au cours des vastes opérations menées dans les provinces-bastions des talibans, de l'Helmand et de Kandahar. "En face", on n'est guère mieux loti. Les populations civiles afghanes n'en finissent pas d'enregistrer des pertes tragiques. Des familles, des villages entiers y sont décimés au gré des attaques des forces étrangères. Ainsi, aux termes d'un rapport de la mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan publié la semaine dernière, le nombre de civils afghans tués était en hausse de 31% au cours du premier semestre 2010. Le bilan est particulièrement lourd avec pas moins de 1.271 morts en six mois. Personne — ou presque — ne s'en alarme outre mesure, s'agissant des pauvres populations civiles afghanes. Pour l'opinion occidentale, elles importent peu. La mort tragique des multitudes afghanes relève, à ses yeux, du non-événement. C'est ainsi, hélas ! Toujours est-il qu'il y a trois jours, le Président afghan Hamid Karzaï a demandé à Barack Obama, au général David Patraeus, commandant des forces américaines et de l'Isaf, et à l'ambassadeur américain en Afghanistan de limiter le nombre de victimes civiles afghanes. En somme, l'Afghanistan est toujours pris dans les interstices du cercle vicieux infernal. Les forces occupantes promettent, à intervalles réguliers, d'éradiquer les talibans moyennant des opérations coup de poing. Les mêmes forces occupantes y laissent un nombre sans cesse croissant de victimes, tandis que le nombre de tués civils augmente vertigineusement. Tout le monde est perdant en fait. Hormis les talibans…