Du chef du gouvernement au parti Ennahdha, en passant par les partis d'opposition, tout le monde cherche à mettre la main sur au moins un média. Dans ce contexte particulier, la Haica est impuissante en l'absence d'une indépendance financière La Haute autorité indépendante pour la communication audiovisuelle a organisé hier une conférence de presse au cours de laquelle, son président, Nouri Lajmi, a estimé que les médias vivent un "dangereux virage". Selon lui, l'indépendance de l'audiovisuel, surtout public, est devenue trop fragile du fait de l'influence des partis politiques dans le façonnement du paysage médiatique. "La configuration politique actuelle a une incidence certaine sur les médias en général et les médias publics en particulier", a ajouté Hichem Snoussi, membre de l'instance. Pour étayer son argumentaire, il n'hésite pas à confirmer que la télévision nationale subit des pressions de la part de la présidence du gouvernement. Mais d'après lui, plusieurs partis politiques jouent un jeu trouble dans les médias. "Ennahdha bloque encore la décision du gouvernement concernant l'annexion de la Radio Zitouna à la Radio Nationale, car elle a la main sur cette radio", affirme Hichem Snoussi. Toujours selon lui, le bras d'Ennahdha s'étendrait également aux médias privés, à l'instar de la Radio Saraha FM, dont deux membres du conseil d'administration siègent en même temps au Conseil de la Choura. Il s'agit de Hatem Boulabiar et Béchir Ghrissi. "Si cette situation n'est pas réglée au plus vite, la licence risque d'être retirée", annonce-t-il. Présent à la conférence de presse, Hatem Boulabiar se défend: "La loi interdit seulement aux membres d'organes exécutifs au sein des partis de siéger dans les conseils d'administration, explique-t-il. Or, il se trouve que le Conseil de la Choura n'est pas un organe exécutif". Le président de la Haica, Nouri Lajmi, fait par ailleurs remarquer que la Zitouna TV continue à survivre malgré l'absence de contenu publicitaire, "ce qui signifie forcément qu'elle est financée par les partis politiques". La Haica avait pris il y a quelque temps des décisions concernant cette chaîne, mais Zitouna TV continue malgré tout à diffuser. Difficile mutation L'obsession de contrôler les médias serait même présente chez certains partis d'opposition. Dans ce cadre, le président de la Haica a notamment affirmé que la transition de médias gouvernementaux en des médias de service public peine à se réaliser. D'un autre côté, Nouri Lajmi regrette l'absence d'une autonomie financière de la Haica. "La Haica ne peut jouer convenablement son rôle si son indépendance financière n'est pas garantie". Le président de l'instance a déclaré que le budget de la Haica a été amputé de 25% et que celui-ci est versé sous le contrôle permanent du ministère chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l'Homme. Evoquant le projet de loi qui remplacera le décret loi 116, le président de la Haica s'est dit opposé à ce que le ministère des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l'Homme, divise le projet en deux parties: l'une pour le cadre légal de l'instance, l'autre pour l'audiovisuel. "Or, estime Nouri Lajmi, cette logique est problématique, car l'audiovisuel et le cadre légal de l'instance sont intimement liés". Il est à noter que la Haica devra à terme céder la place à une autre instance "constitutionnelle" élue, cette fois. Mais avant, la loi portant création de cette instance devra être promulguée.