Le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) et l'Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) ont organisé hier une conférence de presse afin «d'alerter les médias et l'opinion publique sur les risques qu'encourent les instances constitutionnelles livrées aux jeux et enjeux partisans» Le président du Snjt, Néji Bghouri, a signalé le raisonnement «court-termiste» des politiques qui travaillent à l'affaiblissement des instances prévues par la constitution de 2014. «Nous ne sommes pas encore dans un pays démocratique, a-t-il dit. C'est la raison pour laquelle les instances constitutionnelles sont plus que jamais nécessaires à l'ancrage de la démocratie». Proche conseiller du président de l'Inlucc, Mehdi Ben Jomaâ a affirmé que les lois organiques sont en train de vider de leur sens les acquis de la constitution de 2014. «Je m'étonne de voir des constituants, actuellement membres de l'assemblée, se retourner contre les instances constitutionnelles et chercher à compromettre leur indépendance», a déclaré Ben Jomaâ. Cette conférence de presse intervient après que le ministère des droits de l'Homme a déposé, pour examen, le projet de loi très controversé relatif à l'instance de régulation de l'audiovisuel. «Nous avions demandé à Mehdi Ben Gharbia de patienter un peu afin d'avoir un consensus plus large, mais il ne nous a pas écoutés, explique Neji Bghouri. Aujourd'hui, nous lui demandons purement et simplement de retirer le texte». Projet de loi alternatif Pendant deux ans, la Haica a travaillé sur l'élaboration d'un projet de loi portant création de la nouvelle instance de régulation de l'audiovisuel, mais le gouvernement a préféré, après une série de consultations, présenter son propre projet de loi, qui déplaît aux parties prenantes du secteur. Selon Hichem Snoussi, membre du conseil de la Haica, le projet de loi présenté par le gouvernement souffre de plusieurs lacunes dont la représentativité et le morcellement des prérogatives. «Sur les 9 membres du conseil, seul trois seront choisis conformément à un processus transparent, déplore Hichem Snoussi. Les six autres obéiront à des considérations politiques». Snoussi réitère également son refus de voir le projet de loi démembré en deux parties, l'une consacrée à la structure de l'instance et son cadre réglementaire, l'autre, dans un projet de loi séparé, s'intéressera à la régulation de l'audiovisuel. «Or, précise Snoussi, nous estimons que les deux sont intimement liés et ne sauraient être séparés de la sorte». En réaction à l'action unilatérale de Mehdi Ben Gharbia, la Haica s'active pour présenter un projet de loi alternatif, sous forme d'une initiative parlementaire portée par des députés. «Nous allons nous adresser à l'ensemble des élus, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, pour qu'ils adoptent le projet de loi alternatif, annonce Hichem Snoussi. Nous estimons que tous les députés sont libres de choisir un projet de loi qui soit à la hauteur des attentes». La société civile entend maintenir la pression sur l'exécutif afin d'arracher une plus grande indépendance des institutions. De son côté, le gouvernement tentera de faire peser le poids du consensus.