Un conseil de presse, spécialisé dans la régulation de la presse écrite et électronique, verra prochainement le jour Où en sommes-nous en matière de régulation des médias, surtout que le compte à rebours électoral commence et que l'ambition d'une médiatisation professionnelle effectuée dans les règles de l'art et d'une couverture médiatique fondée sur les principes de la neutralité et de la transparence risquent de buter sur des obstacles professionnels, éthiques et autres ? Telle est la problématique exposée au débat, lors du workshop tenu hier à Tunis et organisé par l'Association Ibn Abi Dhiaf pour la promotion du débat démocratique (Apdd), l'Observatoire arabe des religions et des libertés (Oarl) et la Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS). Cette problématique qui interpelle aussi bien les décideurs, les organisations non gouvernementales œuvrant pour la liberté de presse et d'expression ainsi que les organisations investies dans le projet de la régulation des médias apparaît épineuse à plus d'un titre. M. Hichem Snoussi, membre de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), a dressé le bilan des réalisations de la Haica et a parlé des futurs projets en matière de réforme de la communication. L'orateur a indiqué que la Haica œuvre pour la réforme du secteur de la communication audiovisuelle, ce qui déplaît à bien des organes de presse. Ce qui ne l'a pas empêché de réussir le grand pas, à savoir la constitutionnalisation des lois relatives à la communication conformément aux normes internationales, ainsi que l'élaboration des cahiers des charges favorables à la régularisation des médias et à la suprématie de la déontologie du métier. L'orateur a souligné, cependant, qu'il convient de compenser les points de faille figurant dans le décret-loi 116. Actuellement, la Haica poursuit son combat en interpellant le gouvernement sur des questions cruciales relative aux médias et en poursuivant l'élaboration des cahiers des charges. M. Snoussi note qu'il sera question prochainement d'accorder de nouvelles autorisations pour l'ouverture de chaînes télévisées. Parallèlement, la Haica prend au sérieux le phénomène du piratage. Les nominations et les cahiers des charges relatifs aux médias publics figurent, également, au cœur des travaux de la Haica. L'orateur insiste sur l'impératif de relever le défi d'une couverture médiatique réussie de la période électorale. L'approche anglo-saxonne comme modèle Mme Rachida Ennaifer, membre de la Haica, a traité de la régulation des médias face aux défis des prochaines échéances électorales. Pour elle, la régulation tend à orienter la législation sur la communication vers une vision démocratique car conforme à l'approche anglo-saxonne et non celle germano-romaine. La première mise sur les lois consensuelles et les conventions et non sur l'approche pénale comme c'est le cas pour la deuxième école. La Haica s'active en vue de garantir des élections fondées sur la transparence et sur l'honnêteté. Réussir la dure équation entre liberté, électeurs et listes électorales n'est pas chose aisée. L'oratrice a rappelé que la loi électorale actuelle fixe les échéances électorales à 111 jours, soit trois semaines de campagne proprement dite et trois mois de préparatifs. Et c'est au couple Haica-Isie d'assurer l'organisation de cette période. Mme Ennaifer a indiqué que le projet del'organisation électorale est à ses dernières retouches, dans l'attente d'être présenté et promulgué. S'agissant de la polémique sur les cahiers des charges établis par la Haica, elle a souligné qu'ils sont nettement plus souples que ceux imposés, jadis, par l'ancien régime. Par ailleurs, l'évaluation et le suivi du travail médiatique sont plus que jamais de mise. La Haica s'appliquera au recensement et à l'observance des couvertures médiatiques du scrutin afin de faire régner les principes de neutralité, de pluralité et d'équité. La pénalisation des éventuelles infractions sera l'ultime voie pour faire régner la déontologie journalistique et démocratique. L'oratrice a également attiré l'attention du public sur les interactions auxquelles il est indispensable de faire face. Un défi qui ne peut être relevé qu'à travers l'indépendance et l'intégrité des membres de la Haica. Mme Ennaifer a insisté sur le rôle de l'opinion publique dans la garantie de la régulation des médias au sein des organes médiatiques. Réforme et paradoxes L'évaluation générale de la situation des médias dévoile moult paradoxes. M. Néji Bghouri, président du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), considère que l'état des lieux des médias dans notre pays est nettement meilleur que celui en Libye et en Egypte. Il a rappelé la genèse de la réforme du secteur de la communication et qui remonte aux lendemains de la révolution. L'option pour une instance indépendante pour gérer le secteur, la rupture totale avec l'assujettissement du secteur au pouvoir exécutif, la création de l'Inric, la lutte pour l'adoption des décrets-lois 115 et 116, la création de la Haica, autant d'étapes réformatrices franchies avec brio. Il a, cependant, souligné, non sans désolation, l'engagement sitôt avorté des partis politiques pour la liberté de la presse et d'expression, ainsi que la démission de certaines ONG pour rejoindre la sphère politique. M. Bghouri s'est félicité de la constitutionnalisation des articles 31( relatif à la liberté d'expression), 32 (relatif à l'accès à l'information) et l'article 127 (relatif à la Haica). Cependant, le plus lourd reste à faire. L'orateur a insisté sur l'importance d'appliquer les lois et les décrets préservant le droit des médias et des journalistes. Il n'a pas manqué, toutefois, de montrer du doigt la dégringolade du secteur après la révolution : manque de professionnalisme, confusion entre les genres, double casquette des journalistes et des animateurs de plateaux de télévision. Autant de lacunes à combler pour hisser le secteur au niveau escompté. L'orateur a indiqué qu'un Conseil de presse verra prochainement le jour. Cet organisme indépendant se chargera de la régulation de la presse écrite et électronique. Il sera ainsi question de créer des protocoles éthiques au sein des organismes de presse ainsi que des critères précis sur la publicité. Blocage et piratage De son côté, M. Hédi Tarchouni, représentant le Syndicat général de la culture et des médias, a évoqué la situation post-révolutionnaire de la radio et de la télévision nationales. Il a indiqué que le taux d'audimat de la radio a nettement régressé, ce qu'il explique par la baisse du niveau culturel et éducatif dans certains programmes. Il a indiqué que les fréquences de certaines radios, dont radio Monastir et la Radio nationale, avaient fait récemment l'objet de perturbations et d'interruptions, alors que quatre appareils de retransmission non autorisés ont été repérés à El Menzah. Aussi, a-t-il recommandé à la Haica de résoudre ces problèmes avant même d'octroyer de nouvelles autorisations de retransmission.