Au théâtre de la Ville de Tunis, le public, celui qui reste après les cérémonies d'ouverture et prend le temps de voir un spectacle, a été interpellé par des corps exprimant la détresse, la joie et l'espoir... Après la cérémonie d'ouverture, sobre et loin du bling bling, on a fait place aux danseurs de Salia Sanou et son spectacle produit par le théâtre national de la danse de Chaillot «Du désir d'horizons». Il est vrai que ce spectacle chorégraphique ne fut pas le seul à marquer cette ouverture éclatée, mais il a souligné l'identité africaine des JTC avec cette œuvre originaire du Burkina Faso. Pour aboutir à ce résultat, Salia Sanou a tenu des ateliers dans les camps de réfugiés du Burundi et du Burkina Faso dans le cadre du projet «Refugees on the move» initié par la fondation African Artists for Development. Ce projet a inspiré ce travail pour exprimer le vécu des réfugiés dans les camps et pour nous offrir un espace de réflexion sur la situation délicate de l'exilé. L'œuvre s'interroge sur la dimension universelle des réfugiés. Et l'exil, celui qui frappe les «étranges étrangers» d'un monde globalisé, et celui que chacun porte en soi. Comment survivre à la violence du déracinement ? Cette réflexion sur la solitude et l'altérité, Salia Sanou en a trouvé l'écho dans l'œuvre de la romancière canadienne Nancy Huston. On entendra ainsi dans le spectacle des extraits du roman Limbes, Limbo/Un hommage à Samuel Beckett. «L'attente, la lenteur, l'oubli de soi ou le déchirement : la chorégraphie de Salia Sanou explore par les états de corps les mémoires individuelles et collectives des tragédies contemporaines. L'exil comme espace de souffrance et de renoncement mais aussi de reconstruction. Car, pour reprendre les mots de Samuel Beckett : "La fin est dans le commencement, et cependant, on continue"», avait écrit Isabelle Calabre. Au théâtre de la Ville de Tunis, le public, celui qui reste après les cérémonies d'ouverture et prend le temps de voir un spectacle, a été interpellé par les mouvements, les diverses émotions vers lesquelles la chorégraphie nous emporte à chaque instant. Chaque personnage lutte dans un voyage perpétuel vers l'inconnu défiant les frontières et le destin. Des corps exprimant la détresse, la joie, l'espoir, l'injustice vécus dans les camps. Ces êtres de différents horizons se veulent à la quête d'un espoir d'un avenir meilleur. Chaque être humain est questionné tout au long de la pièce sur le devenir de ces êtres. Les danseurs ont su nous dessiner l'égalité dans l'indifférence. Ces êtres face à l'inégalité des chances dans une dimension intemporelle interrogent sur l'exil intérieur que chacun peut porter en soi comme un élément de lutte et un désir d'explorer un nouvel horizon.