Un ballet qui réussit le coup de force de peindre à la fois le crépuscule et l'aube du genre humain, sa finitude inéluctable et le génie qu'il déploie pour la transcender.. La danse au Festival International de Hammamet a toujours été une composante principale de la programmation. Dès la première session du festival en 1964, le ballet était à l'affiche. Cette tradition est maintenue à la 52e édition du FIH avec May B de la Compagnie Maguy Marin. En effet, May B, qui est un ballet créé en 1981 par la chorégraphe française Maguy Marin, est une pièce pour 10 interprètes — 5 hommes et 5 femmes. May B est née de la lecture de Maguy Marin des œuvres de Samuel Beckett, suivie de sa rencontre — tout autant fondamentale que bouleversante — avec le dramaturge irlandais en 1980. Joué plus de 600 fois dans le monde entier, May B est aujourd'hui reconnu et adoubé comme un chef-d'œuvre. Lugubre et lumineux, ce ballet réussit le coup de force de peindre à la fois le crépuscule et l'aube du genre humain, sa finitude inéluctable et le génie qu'il déploie pour la transcender. Arborant un visage crayeux et des nippes d'un blanc douteux, les danseurs — clowns tragiques et poussiéreux, clochards renfrognés et loqueteux, aliénés émaciés ou rembourrés — arpentent, frottent et explorent le plateau en s'efforçant de surnager au sein du groupe sans pour autant le faire imploser. Porté par la réplique mythique et réitérée de fin de partie «Fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir», le spectacle met en scène une humanité qui lutte contre et se rassure dans le quotidien, qui déplore mais s'accommode d'un corps empêtré et vieillissant, qui dépérit mais persiste à vouloir, coûte que coûte, faire jaillir la grâce et la beauté des gestes même les plus anodins. May B est désormais considéré comme une œuvre phare de la danse-théâtre ou théâtre dansé si l'on s'en tient au substantif allemand originel, Tanztheater ; cela peut, dès lors, être l'occasion de faire découvrir au public cet art de la scène particulier, apparu en Europe avec l'expressionnisme de l'entre-deux-guerres, mais développé et promu surtout à partir des années 1970 grâce au travail internationalement reconnu de la chorégraphe allemande Pina Bausch. La danse-théâtre emprunte à la première forme d'art le recours à la musique, celle audible d'une partition et celle visible des corps mus par un rythme ; la seconde transforme les danseurs en interprètes chargés non seulement d'exécuter des mouvements, mais aussi d'incarner des personnages, de jouer des situations dramatiques, voire de proférer du texte.