Le football a connu une impressionnante métamorphose. On est passé du culte de la passion et du don de soi dans le cadre de l'amateurisme, au culte de la victoire et de l'argent. Quel est le meilleur, le football d'hier ou celui d'aujourd'hui? La question, aussi simple qu'elle est, représente une problématique très difficile à épiloguer. Par nostalgie au bon vieux temps, au passé, à l'enfance, on penchera tout de suite pour la première option. Le football d'hier représente pour nous une époque pleine de nostalgie et de beaux et mauvais souvenirs. C'est l'incarnation du football amateur, sans argent, sans la violence exacerbée qu'on voit aujourd'hui, avec l'identité claire des joueurs et des supporteurs. Rares sont les transferts des joueurs entre les grands clubs avec une appartenance à vie pour le club de ses couleurs, et bien sûr à sa région. C'est un football des temps durs, de la rareté des moyens, de la passion folle pour le football, considéré à l'époque par une partie de la société comme une activité anticonformiste, voire réservée aux délinquants. Ce football qui se jouait sur des terrains durs avec les moyens du bord qui n'ont pas permis à beaucoup de grands joueurs de percer et de devenir des stars. C'est un football de grands joueurs et de grandes individualités, et non forcément du grand jeu organisé autour des plans de jeu modernes. Il y avait de très grands joueurs qui enchantaient ceux qui les suivaient, mais il n'y avait pas des approches tactiques collectives claires à l'exception de quelques entraîneurs étrangers, en premier lieu qui ont introduit la notion de la tactique. Amateurs, les joueurs appartenaient corps et âme à leur club qui représente la région et même le quartier. Le jour où ils quittent ce clubs, c'est un événement, et c'est même un scandale quand ils optent pour un club «ennemi». Les dirigeants de l'époque étaient éducateurs, de forte personnalité, et avaient un ascendant indiscutable sur les joueurs et le public. Une sorte d'ordre préétabli était respecté par tout le monde. Le football n'était pas un «business» ou un gagne-pain, c'était une passion, un loisir pour les fans, et la frontière entre les clubs était beaucoup plus claire qu'aujourd'hui. L'EST, l'ESS, le CA, le CSS, le ST, mais aussi des clubs de très bon niveau qui ont gagné des titres ou qui ont joué les premiers rôles et qui n'avaient aucun complexe vis-à-vis des grands comme le SRS de Chakroun, le COT de H'bita, la JSK de Laâbidi, l'ASM de Merrichkou et Chammam, le CAB de Baratli, et plus tard, de Ben Doulat et Bourchada... Ce fut une autre époque qui charmait plus, mais qui, en même temps, avait des défauts. Ce fut un football où les résultats de la sélection à l'échelle internationale n'étaient pas réguliers et impressionnants, hormis l'épisode de la sélection 78 et, à degré moindre, celle des Jeux méditerranéens d'Izmir 1971. Ce n'était pas l'encadrement scientifique et les moyens qui préservaient la dignité des joueurs. Argent, spectacle et dérives Le football d‘aujourd'hui n'a rien à voir avec le football dont on vient de parler. Depuis l'arrêt Bosman, en 1995, depuis le Mondial américain en 1994, et à partir de l'an 2000, le football a mué à la vitesse de la lumière vers le professionnalisme. Beaucoup de moyens mobilisés dans le monde entier, et beaucoup d'argent circule dans la sphère du football. Le joueur est celui qui a le plus profité de l'envol économique du football avec des salaires qui ont grimpé en flèche et une image beaucoup plus propre que celle des années 60 et 70. Le football draine beaucoup de revenus dans le monde avec des métiers qui vivent de ce sport comme les agents de joueurs, les médecins, les agences de sponsoring, les fournisseurs en équipements, les hôtels, les télévisions, les sites électroniques... Dans le cas tunisien, le joueur reste le plus grand bénéficiaire de cette manne financière avec des clubs dirigés par des personnes inaptes qui, par peur du public, s'engouffrent dans des litiges à cause de contrats en béton qui dilapident les deniers du club. Le foot d'aujourd'hui est un foot musclé, plus rapide tellement les matches et les compétitions se succèdent (recherche de gains oblige!). C'est un football qui se base plus sur le tempo, la tactique du groupe, la ténacité avec des tâches défensives même pour les joueurs de création. Le stress des résultats est quelque chose d'infernal à vivre contrairement au passé. On n'a plus les mêmes talents qui charment les stades comme avant. Ça veut tout dire !