Ce sujet toujours d'actualité peut forcément trouver un écho dans nos âmes nostalgiques du football d'antan. La déclinaison naturelle de la problématique pourrait même pencher vers une certaine radicalisation : pourquoi le football c'était mieux avant ? Avant de tenter d'expliquer le fond de notre pensée et d'essayer de décrypter ce sujet, remettons les choses dans leur contexte. Oui, actuellement, le football a laissé la place aux footballeurs ! Or, la planète football a beau s'enthousiasmer pour les grands rendez-vous du ballon rond, les puristes ne vibrent généralement que quand des collectifs bien huilés réussissent à terrasser des joueurs stars visibles de par leurs tenues immaculées. Les tauliers actuels de la sphère footballistique ont beau rivaliser d'ingéniosité pour se faire remarquer, cela ne suffit pas à estomper l'arrière-goût amer que nous laisse le football d'aujourd'hui. Dans un sport de plus en plus économique, dicté par les enjeux du «foot-business», les individualités prennent le pas sur le collectif. Ainsi, et à l'image des consécrations individuelles, les performances d'un seul homme font figure d'idée fixe guidant les recrutements, schémas tactiques et philosophies de jeu de nombreuses équipes. A notre grand regret, ce culte de l'individualité a enterré le football, le vrai ! Dictature du réalisme face à la beauté du jeu Celui que l'on pouvait qualifier d'art collectif, celui des «Orange mécanique» et des équipes stars plutôt que des équipes de stars tel que les «Galactiques» de Madrid, se consume au fil des générations et du temps. Certes, le monde du cuir a besoin de solistes et d'artistes. Ces joueurs sont au football ce que le chef d'orchestre est à la musique. Ils sont de toute évidence les illustres représentants de la profession. Or, aujourd'hui, non seulement ils ne sont plus légion. Mais plus encore, ces joueurs sont de plus en plus sacrifiés sur l'autel du football moderne dont les préceptes sont l'application stricte des consignes et la maturité tactique. Le génie de Hamadi Agrebi, le coup de rein de Lassaâd Abdelli, le spectacle proposé par Jamel Limam, le métier de Khaled Ben Yahia, le talent de Tarak Dhiab, le flair de Khaled Touati, l'instinct de Sami Touati, le «Gerd Muller» local, et le leadership de Nabil Mâaloul. C'est un pan entier de la poésie du football qui s'en est allée... Si cette race de compétiteurs est en voie d'extinction, les tenants et aboutissants de notre football, surtout les éducateurs des catégories des jeunes, n'ont pas manqué d'en rajouter une couche, participant malgré eux à ce «génocide» en règle. Pourrait-on dans ce cas d'espèce opposer la dictature du réalisme face à la beauté du jeu ? Loin de nous l'idée de vouloir faire passer le football actuel pour un sport dénué de spectacle. Mais cette recherche extrême de l'efficacité a pour effet de vider le football de sa substance : le beau jeu. Maillon du collectif Pour comprendre la nuance, il est intéressant de comparer des vedettes qui représentent des époques différentes. Notre sport-roi en est friand avec plusieurs comparaisons qui sont sur toutes les lèvres de manière récurrente. Situer un jeune prodige par rapport à son illustre aîné. Il n'y pas de réponse à proprement parler d'implacable à ce débat interminable, bien au contraire. Tahar Chaïbi avait trois Bassam Srarfi dans chaque orteil, et surtout dans chaque neurone ! Temime Lahzami était un phénomène capable de débloquer n'importe quel match sur une action, un dribble, une invention dont il a le secret. Samir Bakaou et Zoubeïr Baya avaient en plus cette façon de lire le jeu. Ils revenaient chercher les ballons, savaient quand et comment temporiser ou accélérer, et faisaient jouer leurs coéquipiers en profitant de l'attention particulière que leur portaient leurs adversaires. Là où par exemple Ferjani Sassi, Fakhreddine Ben Youssef et Taha Yassine Khenissi se contentent souvent (toujours ?) d'attendre d'être servis dans les 30 derniers mètres afin de tuer l'adversaire. Ce parallèle entre différents phénomènes traduit parfaitement l'évolution du football. On s'aperçoit qu'à l'époque, l'individualité, si géniale soit-elle, n'était qu'un maillon du collectif. Le leitmotiv était alors de jouer au football, et de développer du beau jeu en utilisant toutes les caractéristiques de tous les joueurs. Aujourd'hui, l'exemple de Djabou (du temps où il était au CA) est un tant soit peu universel ! Il s'agissait de construire une équipe autour d'un phénomène et de la faire jouer pour lui, pour lui permettre de briller, de faire gagner, de marquer des buts, et éventuellement de remporter des titres. Cette nouvelle vision du football s'est propagée et se ressent à tous les niveaux. Ainsi, alors que nos prédécesseurs enseignaient qu'un dribble, si spectaculaire soit-il, était inutile s'il se faisait au détriment d'une passe, aujourd'hui, un joueur qui veut sortir du lot doit enchaîner les dribbles et faire la différence à lui seul. Oui, le football vit sous la dictature du spectacle et de l'individualisme. Le beau jeu est mort, vive le beau jeu !