Le footballeur n'est plus seulement l'homme du terrain, il s'est quasiment transformé en personnage de fiction. Son périmètre et son audience se sont mondialisés. Tout va vraiment très vite dans le football. L'histoire de la ‘'singularisation'' des footballeurs et des pensionnaires des terrains a complètement changé la donne, modifié les traditions, les contextes et les conditions de jeu. Un nouveau monde, de nouveau acteurs. Mais si le jeu reste collectif, le comportement et le mode d'incarnation sont de plus en plus individuels. Ils contribuent à dissocier les joueurs de leurs équipes, étendant leur notoriété bien au-delà de ce dernier et même de la sphère du football. Les joueurs les plus célèbres sont en train aujourd'hui de concurrencer les clubs même s'ils sont devenus à leur tour des marques, commercialisables en autant de licences marketing et de produits dérivés que possible. Cela se passe là où ça joue fort et où les enjeux sont devenus plus importants que le jeu lui-même. Cela se passe aussi chez nous, à de moindres degrés, bien entendu. Le joueur de football n'est plus seulement aujourd'hui l'homme du terrain, il s'est quasiment transformé en personnage de fiction. Son périmètre et son audience se sont mondialisés. Tout cela a fini par consacrer l'individualisme dans un sport qui puise pourtant sa raison d'être de l'esprit collectif. Le joueur d'aujourd'hui constitue un phénomène en soi et dont la carrière ne raconte plus que sa propre histoire. Les classements et les statistiques, les transferts, mais aussi l'absurdité de certaines consécrations, tendent à individualiser la performance. Comme les sponsors fournissent de l'argent, ils ont réussi à avoir un pouvoir évident et reconnu en tant que tel sur les footballeurs. Ainsi différentes astuces ont été imaginées pour mieux mettre les marques en évidence et les footballeurs se font désormais interviewer devant un panneau garni de publicités. Bipolarisation du football Individuellement, le joueur est devenu capable de secouer le grand monde, et pas seulement du football. Spécimen aux looks particulièrement étudiés, aux silhouettes affûtées, aux coupes de cheveux fantaisistes, chacun s'exprime dans le style qui lui correspond. Mais différemment. Quelles que soient les époques, on sait que ballon rond et chose capillaire sont intrinsèquement liés chez les footballeurs. Les caméras de télévision sont apparues au bord des terrains de sport en 1936, lors des Jeux Olympiques de Berlin. A l'époque, l'image était un peu floue et la couleur n'existait pas encore. Mais dès cet instant, la télévision et le sportif allaient devenir inséparables. La télé a certainement aidé le sport, mais elle a participé aussi à le dérégler. Ce phénomène commence aussi à se généraliser dans nos stades où on assiste à des scènes peu ordinaires, voire des fois étranges. Mais le football et les footballeurs ne sont pas que cela. Ils sont aujourd'hui considérés comme entreprise de spectacle et relèvent bel et bien du marché des acteurs économiques. Au point de devenir un business plus qu'un sport. C'est pourquoi il nécessite une régulation urgente. Le modèle économique des clubs professionnels tunisiens est au bord du gouffre. Avec la dérégulation imposée par des considérations extra sportives, des excès et des débordements de tout bord, l'exemplarité du football, canal majeur d'influence pour notre jeunesse, tend à disparaître. Nous ne sommes pas loin du contre-modèle absolu: ultra-individualisme, argent roi, victoire à tout prix. Dépasser les limites des possibilités humaines, les faire exploser, toujours plus vite, plus haut. Dans la course effrénée à l'exploit et aux performances, il s'agit de s'échapper de l'humain et non plus de l'accomplir. Le football, tel qu'on le vit actuellement, est chargé de produire un sentiment d'euphorie, favorable à la consommation. Dans les différentes épreuves auxquelles il est soumis, le footballeur tunisien, qui n'a pas souvent un bagage intellectuel suffisant, est devenu un individu exceptionnel, unique, capable d'aller au-delà de toutes les limites. Notre compétition actuelle semble être à la fois le laboratoire et la fabrique de cette mutation. Une overdose renverse toutes les valeurs, détruit les priorités. Une usurpation qui entraîne aussi tout le football dans une structure totalitaire. Bref, une déformation généralisée du bon sens. L'éducation et la formation civique des futurs joueurs devraient être considérées aujourd'hui comme un enjeu collectif et déterminant. Des obligations symboliques pourraient ainsi être assignées aux joueurs: par exemple, le don des primes au profit de causes caritatives, la participation à des missions sociales.