Le projet de la carte d'identité biométrique a été abandonné et retiré de l'ARP à cause du risque que cela représente pour les données privées des citoyens qui pourraient être utilisées à mauvais escient. Les détracteurs du mégafichier regroupant les données privées de la population tunisienne ont eu gain de cause. Le projet de la carte d'identité biométrique, louée du côté du ministère de l'Intérieur mais tant redoutée de la part de l'Instance nationale de protection des données personnelles (Inpdp) et d'une frange de la société civile, vient d'être retiré sur la demande du gouvernement. Assurer, tout d'abord, des garde-fous Une demande a été soumise par le gouvernement à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour le retrait du projet de loi organique amendant et complétant la loi n°93-27 du 22 mars 1993, relative à la carte d'identité nationale. Cette demande a été examinée et acceptée par le bureau de l'ARP, rapporte la TAP. Le président de l'Instance nationale de protection des données personnelles (Inpdp), Chawki Kaddes, a appelé, à maintes reprises, à la protection des données personnelles du citoyen du fait qu'elles pourraient être utilisées sans son aval et en dehors de tout cadre légal. Le mégafichier contenant les données privées (empreintes, photos, autres données personnelles..) pourrait être accessible à d'autres fins. Pas rassurant du tout, jugent certains représentants de la société civile qui refusent ce projet. De graves risques d'atteinte à la vie privée ne sont pas écartés, ajoutent-ils. Le projet de la carte d'identité biométrique est certes important dans la mesure où il facilitera les tâches administratives et renforcera encore plus la lutte contre les menaces qui pèsent sur le pays sur le plan sécuritaire, mais au niveau des pays ancrés dans la démocratie, c'est la loi qui protège les données privées du citoyen. Le risque de l'exploitation à mauvais escient est, donc, quasi nul. La protection des données privées sans loi ni garde-fous n'en est qu'hypothétique. Le coût est bien élevé Outre la donne de la protection des données privées, un autre facteur a été aussi déterminant dans le retrait de ce projet. C'est son coût très élevé. Le pays ne pouvait pas aller de l'avant dans pareille conjoncture. La caisse de l'Etat ne pourrait financer ce projet dans les circonstances d'aujourd'hui. Dans l'une de ses déclarations en juillet 2017, Chawki Kaddes avait déclaré que la nouvelle carte biométrique coûterait à l'Etat environ 32 millions de dinars. Avec la crise vécue sur tous les plans, pourra-t-on se permettre le luxe de produire de nouvelles cartes biométriques ? A tout cela s'ajouterait le risque de piratage informatique de ces données. Le ministre de l'Intérieur, Lotfi Brahem, a tenu à rassurer dernièrement que les données seraient hautement sécurisées et impossibles à décrypter, mais ce n'était guère convaincant. Au-delà de ces explications, le manque de confiance à l'égard du ministère de l'Intérieur, ce lourd héritage de la période de Ben Ali, reste perceptible. Il nous faut du temps et surtout des textes de loi qui doivent être appliqués à la lettre pour bien protéger les données privées du citoyen. Il faut dire qu'on n'a pas encore atteint ce stade. Dans plusieurs pays, la carte d'identité n'est pas obligatoire, dans d'autres pays, où la carte biométrique est déjà utilisée, le citoyen peut formuler une demande et refuser la numérisation de ses empreintes digitales ou de leur enregistrement dans le fichier central (le cas de la France).