VIENNE (Reuters) — L'Opep a reconduit hier un statu quo qui la satisfait pleinement depuis près de deux ans, ne redoutant pas outre mesure qu'un dollar trop faible provoque une flambée des prix du pétrole qui serait préjudiciable à une économie mondiale encore fragile. L'Equateur, qui occupe la présidence tournante de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, a confirmé le maintien des quotas de production et dit que la prochaine réunion aurait lieu à Quito le 11 décembre. Auparavant, un délégué avait dit à Reuters que les ministres étaient d'accord "à 100%" pour laisser la production du cartel inchangée. Le marché n'a guère réagi à cette annonce et le baril de brut américain était stable autour des 83 dollars. Le brut est sorti de la marge de 70 à 80 dollars le baril que l'Arabie saoudite jugeait idéale à la fois pour les producteurs et les consommateurs. S'exprimant juste avant la réunion d'hier, son ministre du Pétrole s'est néanmoins dit toujours satisfait de l'évolution du marché pour l'instant. "Le plus grand défi auquel nous sommes confrontés, c'est de maintenir le marché pétrolier au niveau auquel il se trouve aujourd'hui", a dit à des journalistes Ali Al Naïmi. Il n'a pas voulu s'exprimer pour dire quel prix pourrait mettre en danger la reprise économique. Il a toutefois signalé que les producteurs étaient préoccupés par le risque d'un retour éventuel à la récession. "J'espère que nous n'aurons pas une rechute; tout le monde travaille dur pour l'éviter". Cette fermeté de l'or noir s'appuie sur un dollar affaibli, en particulier parce que les marchés parient que la Réserve fédérale prendra de nouvelles mesures de soutien à la reprise économique. Le dollar a touché hier sa parité la plus basse de l'année face à un panier de devises, ce qui rend les matières premières moins chères pour les pays qui n'ont pas le dollar pour monnaie. Respect de 57% Jusqu'à présent, la hausse du pétrole est relativement mesurée, si on la compare à celle de l'or par exemple, car l'effet d'un dollar anémique est contrebalancé par des fondamentaux défavorables comme des stocks quasiment sans précédent et une demande atone. Pour certains analystes, le risque d'une flambée des cours pétroliers existe pourtant bel et bien. "Sans engagement précis de défendre tel niveau de prix, le cours peut évoluer en fonction des fondamentaux de 60 à 100 dollars. Avec un assouplissement quantitatif (QE) qui affaiblirait le dollar et qui stimulerait les économies émergentes, cette tendance se renforcerait encore par le haut", note Lawrence Eagles (JPMorgan). L'Arabie Saoudite, soucieuse de maintenir une demande sur le long terme et détentrice de l'essentiel des capacités inemployées de l'Opep, n'a jamais manqué de délivrer plus de pétrole sur le marché si elle considérait que celui-ci montait trop vite. D'autres pays de l'organisation comme le Venezuela, l'Algérie, l'Iran et la Libye prônent un prix plus élevé pour des raisons budgétaires intérieures. Ils expliquent de plus qu'un dollar affaibli rogne la valeur de leur pétrodollars, d'où, selon eux, la nécessité de relever les prix. Le ministre des Mines et de l'Energie algérien Youssef Yousfi a dit jeudi qu'il voudrait un prix du baril de 80 à 100 dollars, compte tenu de la dépréciation du dollar. Chokri Ghanem, haut responsable de la délégation libyenne a dit se satisfaire d'un baril de 75 à 85 dollars mais il ne serait pas contre un prix plus haut, toujours à cause du dollar. La décision de reconduire le statu quo laisse de toute façon à l'Opep une grande marge de manoeuvre pour ajuster l'offre de manière opportune. Le dernier changement apporté à la politique de production de l'Opep remonte à décembre 2008. Elle avait alors réduit sa production de 4,2 millions de barils par jour (bpj). Selon des données Reuters, le respect des quotas qui avaient ainsi été fixés n'est plus actuellement que de 57%.