Par Rafik EL Herguem Le départ surprenant pour les uns, mais fort attendu et exigé par la «base» patronale de Wided Bouchamaoui, n'était pas le seul fait du congrès de l'Utica. On peut même parler d'une nouvelle page dans la vie de cette organisation influente : Bouchamaoui part avec un bilan mitigé malgré une grande présence médiatique et un prix Nobel, sans oublier décidément un rôle de médiation dans plusieurs questions politiques et sociales. Mais, en même temps, une partie des entrepreneurs tunisiens tous secteurs confondus, essentiellement du côté des PME, réclamait le changement des politiques et des approches vis-à-vis du gouvernement, mais surtout vis-à-vis de l'Ugtt, jugé dominant dans tous les conflits sociaux et négociations. Le départ de Bouchamaoui et l'arrivée de Samir Majoul, issu du secteur de l'agroalimentaire et présent dans le management du dernier mandat, vont marquer une rupture (aiguë ou douce, on le saura très prochainement) avec la politique du passé. Le nouveau patron de l'Utica, auquel on prête des qualités de bon négociateur mais aussi de ferme défenseur des intérêts des entrepreneurs, aura à traiter, avec le nouveau bureau, constitué en partie de membres sortants, tant de questions brûlantes : la nouvelle loi de finances 2018 et les énormes pressions fiscales sur l'entreprise tunisienne, les soucis des PME et PMI, l'importation sauvage et le déséquilibre commercial, la concurrence déloyale et encore persistante des contrebandiers et de l'économie en noir, les difficultés de financement pour les petites entreprises exportatrices, l'aide jugée faible de l'Etat pour les projets innovants et à forte valeur ajoutée, etc. Ce n'est pas tout, Majoul aura à trouver une approche qui permette de défendre les patrons et les comptes des entreprises devant les revendications sociales et les augmentations salariales, forcées par l'Ugtt, et qui mettent en péril la rentabilité et la survie des entreprises. Le poids des forces vis-à-vis de l'Ugtt sera le terrain le plus chaud et le plus sensible pour Majoul : les adhérents de l'Utica veulent que leur institution défende farouchement leurs intérêts socioéconomiques face au gouvernement (politiques fiscales surtout et plans de développement sectoriels) et s'impose plus face aux syndicats, qui, politiquement, dominent largement le paysage social. Le politique ? Les premières déclarations de Majoul nous paraissent significatives : l'économique et le social d'abord, le politique vient en troisième lieu. C'est là où le changement politique va se voir : l'Utica devrait privilégier les négociations sociales et les mesures d'aide et de soutien aux secteurs et aux entrepreneurs, et probablement diminuer son champ d'intervention dans les affaires politiques sans s'absenter de la scène. L'Utica va devoir changer de cap et de politique avec l'arrivée de Samir Majoul. Cela se fera en fonction, aussi, de l'attitude de l'Ugtt et du gouvernement sur les dossiers socioéconomiques. Soit, mais quelque chose va devoir changer.