A l'approche des élections municipales, les démocrates se présentent malheureusement en rangs dispersés N'est-il pas temps de mettre de côté les ambitions personnelles et les agendas partisans et de lancer ce grand front démocratique propre à préserver la jeune expérience démocratique nationale face à ceux qui veulent la saboter ? A moins de quatre mois des élections municipales prévues pour le 6 mai prochain, s'impose une question: les Tunisiens vont-ils se trouver, à la lumière des divisions qui caractérisent actuellement le paysage politique nationale, face à une multitude de listes proposées par des partis dont les orientations et les choix se rejoignent puisqu'ils défendent pratiquement les mêmes idées, alors qu'en face de ce qu'on pourrait appeler le Front démocratique ou laïque, les partisans de l'islam politique (il n'est pas incarné uniquement par Ennahdha puisque les partisans de Marzouki adhérant au parti Al Irada prônent les mêmes idées que les Nahdhaouis) se présenteront en rangs serrés et ils ont déjà annoncé qu'ils affronteront les municipales avec des listes uniques qui comprendront des candidats issus d'Ennahdha et d'autres considérés comme des indépendants mais ayant reçu l'aval ou le parrainage des leaders nahdhaouis (ministres, membres du Parlement, du Conseil de la choura et du bureau exécutif) ? En d'autres termes, beaucoup d'observateurs se demandent : la division des démocrates dans le sens que chaque parti ou alliance (comme celle des 11 qui se présenteront en commun pour 48 municipalités sur 350) se lancera dans la compétition en comptant sur ses propres forces va-t-elle se reproduire comme ce fut le cas lors des élections du 23 octobre 2011 pour l'ANC et le 26 octobre 2014 pour les législatives qui ont été couronnées par l'élection de l'actuelle Assemblée des représentants du peuple ? Les mêmes observateurs qui ont attiré l'attention, à temps — il faut le reconnaître — sur le risque pour les démocrates de récolter des miettes en affrontant les élections en rangs dispersés se posent de nouveau la question suivante: n'est-il pas temps que les libéraux représentant les centristes soutenus par la gauche libérée du dogmatisme idéologique des années 70 et 80 du siècle dernier comprennent, enfin, que les municipales du 6 mai 2018 leur imposent de laisser de côté leurs ambitions personnelles et d'oublier leurs calculs partisans pour imaginer et mettre en œuvre ensemble un Front démocratique qui aura pour mission de gagner les prochaines municipales sur la base des idéaux et des choix politiques et économiques qu'ont toujours soutenus les militants de la mouvance démocratique dans son ensemble, du temps des présidents Bourguiba et Ben Ali et aussi sous les gouvernements de la Troïka I et II quand les islamistes ont cherché à imposer aux Tunisiens leur modèle de société, oubliant que la révolution n'a pas éclaté pour des raisons identitaires mais bien pour des raisons d'injustice sociale et économique ? Eviter la catastrophe des partielles en Allemagne Et quand on suit les développements qui secouent le paysage politique national ces derniers jours, à la lumière des risques de voir le gouvernement d'union nationale présidé par Youssef Chahed tomber et être remplacé par un gouvernement de compétences indépendantes et qu'on essaye de comprendre pour quelles raisons des partis comme Machrou, Al-Joumhouri, Afek Tounès ou une bonne frange d'Al-Massar ou d'Al Badil ont décidé de jouer en solo le 6 mai prochain, on ne peut parvenir qu'à la conclusion suivante : nos élites n'ont malheureusement pas compris qu'elles risquent de porter un coup fatal à la jeune expérience démocratique tunisienne au cas où le rendez-vous du 6 mai prochain enregistrerait un taux de participation analogue à celui enregistré en Allemagne, fin décembre 2017, à l'occasion des législatives partielles. Si les électeurs boudent les urnes et qu'ils participent à raison de 5% ou moins, la catastrophe sera double dans la mesure où ceux qui seront élus ne bénéficieront pas de légitimité et l'expérience démocratique subira un coup dur dont elle ne se relèvera pas facilement. Les municipales représentent un enjeu majeur. De leur réussite dépendra l'avenir de l'expérience démocratique tunisienne.