Le Conseil d'administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a décidé, lundi dernier, d'élever le taux directeur de 75 points, le portant à 5,75%. Une décision qui a provoqué des inquiétudes quant à son impact sur l'investissement. Avec un taux d'inflation de 7,1% en février dernier et le creusement du déficit commercial et du déficit courant, la situation de l'économie tunisienne est en grande difficulté. Une conjoncture à laquelle il faut apporter des solutions courageuses et douloureuses en même temps, selon Marouan Abbassi, gouverneur de la BCT, lors d'un point de presse organisé hier Devant un panel de médias nationaux et internationaux, le gouverneur de la BCT, Marouan Abbassi, a exprimé ses inquiétudes face à une situation économique qui ne cesse de montrer des signes alarmants. La décision du Conseil d'administration de la BCT vient, selon lui, en réponse à un taux d'inflation qui a atteint des niveaux très élevés. "Nous sommes arrivés à 7,1% en février 2018. Si nous ne prenons pas les décisions adéquates, nous pourrons atteindre d'autres paliers et nous risquons d'entrer dans une inflation non contrôlée", lance-t-il, ajoutant que toutes les interventions ultérieures de la BCT avaient un grand impact pour freiner le taux d'inflation. "Sinon, nous aurions pu atteindre des paliers supérieurs", explique-t-il. Mais à ce rythme-là, la tension inflationniste se poursuivra davantage, selon les analyses de la BCT. Pour Rym Kolsi, directrice des stratégies monétaires, l'impact du taux d'inflation sur le pouvoir d'achat des consommateurs est prévisible. Ce taux est passé de 3,5% en 2011 à 5,8% en 2013 et à 4,9% durant les années 2014-2015. La BCT est intervenue quatre fois entre 2012 et 2014 pour contrer les pressions inflationnistes, en augmentant le taux directeur, passant de 3,5% en septembre 2011 à 4,75% en juin 2014. Une intervention qui a permis, selon Mme Kolsi, de baisser le taux d'inflation qui a atteint une moyenne de 3,7% en 2016. Mais l'augmentation des déficits jumeaux (déficit commercial et déficit courant) et la dépréciation du dinar continuent d'impacter cette inflation qui va augmenter davantage, boostée également par l'augmentation des prix internationaux et l'effet des dispositions de la loi de finances 2018. Ce taux devra atteindre en moyenne 7,2% en fin 2018, d'après Mme Kolsi, résultant de l'effet des décisions de la politique monétaire prises en avril et mai 2017, pour augmenter respectivement de 50 points et 25 points le taux d'intérêt directeur. "L'impact de telles décisions prend habituellement de 6 à 8 trimestres. Nous prévoyons ainsi que le taux d'inflation va s'atténuer en 2019 entre 5% et 6%", souligne-t-elle. M. Abbassi a insisté sur le rôle majeur de la BCT, qui est celui d'assurer la stabilité des prix, indiquant que les déséquilibres macroéconomiques enregistrés actuellement donnent des frayeurs. Avec un déficit courant dépassant les 10%, il est impératif de prendre des décisions difficiles et douloureuses pour retrouver l'équilibre. Nous sommes un petit pays dans une économie de marché. Nous sommes impactés par ce qui se passe à l'intérieur et à l'extérieur", rétorque-t-il. Il affirme qu'il n'est plus possible de défendre le dinar avec des réserves en devises de moins de 80 jours et avec des importations qui dépassent largement les exportations. "Le déficit du commerce extérieur est devenu structurel parce que la production a régressé, l'export a baissé, les secteurs exportateurs ont connu un recul. Nous nous endettons pour couvrir ce déficit. Il y a de grands risques économiques. Et si nous avons élevé le taux directeur, c'est pour retrouver le niveau normal parce qu'on était à un taux réel négatif", précise-t-il. M. Abbassi a ajouté que l'impact de la décision prise sur l'investissement ne devrait pas être aussi importante, insistant sur l'importance de l'accès au crédit, particulièrement pour les PME. Il a signalé que la BCT intervient dans la politique monétaire, mais doit également coordonner pour les politiques budgétaires et fiscales, ajoutant que l'embellie de croissance enregistrée actuellement devrait se poursuivre grâce à une dynamique de l'investissement. En ce qui concerne la sortie sur le marché international, Béchir Trabelsi, directeur général à la BCT, a affirmé que trois composantes sont à prendre en considération pour effectuer cette sortie. Il s'agit d'une politique macroéconomique rationnelle, une politique budgétaire forte et l'avancement des réformes structurelles. Trois éléments qui peuvent soutenir une croissance potentielle de l'économie tunisienne sur le court et moyen termes, selon M. Trabelsi, assurant que ces composantes existent et qu'il est prévu d'effectuer la sortie sur le marché international à la fin du mois de mars 2018.