Le phénomène de l'abandon scolaire précoce ne date pas d'aujourd'hui, mais les mécanismes de lutte et de prévention ont toujours montré leurs limites. Plus on avance dans l'âge, plus le risque d'abandon augmente, et c'est surtout dans les zones défavorisées que le taux est le plus élevé En dépit de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre l'abandon et l'échec scolaires adoptée par le ministère de l'Education nationale en 2016, les programmes de coopération élaborés conjointement avec l'Unicef dans le cadre de la sensibilisation contre l'interruption précoce des études, ainsi que les campagnes nationales de communication visant le même objectif, le taux d'abandon reste bien élevé dans certaines régions du pays. Il touche plus de 100 mille élèves dont la tranche d'âge est comprise entre 12 et 18 ans, selon le ministre de l'Education, M. Hatem Ben Salem. Des mécanismes de lutte tombés en désuétude 50% des jeunes tunisiens âgés de 18 à 25 ans ne sont pas diplômés et n'ont pas terminé leurs études secondaires ou leurs cursus de formation professionnelle, a récemment souligné la représentante de l'Unicef en Tunisie. Et c'est dans la perspective de cette lutte qu'une déclaration de partenariat visant à financer le projet «l'école de la seconde chance» vient d'être signée au début de ce mois de mars entre les ministres de l'Education nationale, des Affaires sociales, de la Formation professionnelle et de l'Emploi, l'ambassadeur du Royaume-Uni en Tunisie et la représentante du bureau de l'Unicef en Tunisie. Ce projet vise à «atténuer le risque de décrochage scolaire précoce et réduire le nombre d'adolescents en situation d'abandon scolaire à travers la réintégration de l'enseignement ou la formation professionnelle, notamment dans les régions à fort taux d'abandon scolaire». De bon augure pour les décrocheurs précoces qui auront une seconde chance pour réintégrer les bancs du savoir et de la formation professionnelle, mais la question de l'abandon demeure complexe et viscéralement liée au vécu social. Elle interpelle la prise en compte de plusieurs facteurs à même d'assurer une réforme profonde du système éducatif dans le pays dans le cadre d'une approche participative mettant à contribution toutes les parties concernées. Dans son discours prononcé la semaine dernière lors d'une séance plénière à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) consacrée à l'audition du gouvernement au sujet de la situation générale du pays, le chef du gouvernement a rappelé qu'une stratégie a été mise en place afin de lutter contre l'abandon scolaire. De l'initiative «l'école récupère ses enfants», lancée en 2015 à l'époque de Neji Jalloul, à l'accord de coopération pour la mise en place d'un dispositif de la seconde chance pour les décrocheurs précoces signé au début de ce mois, et qui permettra à plus de 100 mille jeunes l'intégration à la vie professionnelle sur une période de trois ans, les initiatives se multiplient en vue d'atténuer le risque de décrochage scolaire précoce. Il va sans dire que cette problématique a toujours constitué le cheval de bataille des gouvernements avant et après la révolution. En effet, le phénomène de l'abandon scolaire précoce ne date pas d'aujourd'hui, mais les mécanismes de lutte et de prévention ont toujours montré leurs limites. Pauvreté et analphabétisme des parents Selon une étude élaborée par l'Unicef Tunisie et le ministère de l'Education nationale, le taux d'abandon est significativement supérieur. Il est de 1% dans le primaire contre 9,3% au collège et 11,9% au lycée. Plus on avance dans l'âge, plus le risque d'abandon augmente, et c'est surtout dans les zones défavorisées que le taux est le plus élevé. D'après une étude réalisée par l'Association citoyens de Gafsa, en collaboration avec la délégation de l'Union européenne en Tunisie au cours de l'année scolaire 2015/2016, ce taux a atteint 63% à Kasserine et 37% à Gafsa. Pauvreté et analphabétisme des parents sont pointés du doigt dans ce contexte. En effet, 40% des familles avaient expliqué cette situation par la pauvreté et la précarité, alors que l'analphabétisme des parents en est responsable dans 49% des cas, rapporte la TAP. On rappelle à ce titre que la pauvreté en Tunisie se concentre dans les zones rurales où le taux de pauvreté est aux alentours de 26% contre 10,1% dans le milieu urbain. Le niveau de vie dans les zones urbaines frôle le double de celui du milieu rural. Cette situation qui persiste depuis la décennie 2000/2010 s'est encore dégradée depuis. Les régions intérieures du pays, particulièrement le Centre-Ouest, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, sont les plus affectées par la pauvreté extrême, selon la revue stratégique publiée à la fin de l'année 2017 par l'Institut tunisien des études stratégiques autour de la sécurité alimentaire. Infrastructures défaillantes, hostilité dans le milieu scolaire, éloignement des établissements, pauvreté, analphabétisme des parents, difficulté de passage d'un cycle à un autre, échec du système éducatif, sont parmi les facteurs cités par les experts dans le cadre de l'abandon scolaire, Au moment où le monde bouge et évolue, on a comme l'impression que le temps s'est arrêté quelque part dans certaines régions défavorisées du pays et dans les quartiers populaires où l'abandon scolaire est en hausse, acculant plusieurs de nos enfants et nos jeunes à abdiquer et renoncer aux études, poussés qu'ils sont par la panne de l'ascenseur social à l'intérieur des institutions scolaires.