Pour rendre hommage à l'acteur Sotigui Kouyaté, la cinémathèque tunisienne a programmé tout un cycle de projections. L'ouverture de ce cycle a eu lieu mardi en présence du fils de l'acteur. L'occasion pour toute une génération de jeunes de découvrir cet immense acteur africain à travers un cycle de ses meilleurs films. Sotigui Kouyaté a, en effet, réussi ce difficile équilibre entre théâtre, cinéma et tradition orale. C'est peut-être aussi grâce à son expérience dans la vie où il a été à la fois menuisier, boxeur, footballeur et chanteur. Et l'acteur l'a déjà déclaré un jour : «Je suis Guinéen d'origine, Malien de naissance et Burkinabé d'adoption. Je ne suis passé par aucune école de théâtre, si ce n'est la grande école de la rue, de la vie». Pourquoi le choix de cet acteur africain ? «Sotigui Kouyaté était considéré comme le plus important comédien et acteur du continent africain, répond Mohamed Challouf, qui a organisé cet hommage. Il est à l'origine un griot né dans la famille Kouyaté, famille de griots par excellence. Après avoir participé comme acteur à quelques films en Afrique, réalisés par des pionniers comme le Nigérien Moustapha Alassane, et créé quelques spectacles de théâtre et de danse, il est choisi par le grand metteur en scène de théâtre, Peter Brook, et devient son acteur fétiche dans le Mahabharata et la tempête de Shakespeare... Sotigui Kouyaté a été honoré plusieurs fois par la Tunisie durant les JTC et JCC. C'est un sage de l'Afrique qui nous à quittés trop tôt en laissant derrière lui un patrimoine artistique considérable de tradition orale, de cinéma et de théâtre». En ouverture du cycle sont projetés ses deux derniers films : «London River» de Rachid Bouchareb (Ours d'argent du meilleur acteur à la Berlinale) et «Errance», un court-métrage de Nouri Bouzid, un film-testament de Sotigui. Dans «London River», Sotigué joue le rôle de Ousmene avec Elisabeth, un musulman et une chrétienne à la recherche de leur enfant disparu après les attentats de Londres. Un film où on peut admirer le talent de cet acteur qui joue un rôle de composition d'une grande justesse. Un rôle difficile, surtout si on regarde le film avec le recul qu'on a aujourd'hui, parce qu'il fait appel à une performance qui allie la poésie à la colère et qui exige de l'acteur de se régénérer dans chaque séquence. Dans le film de Nouri Bouzid, «Errance», qui décrit la représentation de l'Afrique noire dans la mentalité des Tunisiens, Sotigui Kouyaté y joue le rôle d'un griot errant dans cette terre et qui reproduit magistralement l'esprit de cette Afrique noire faite de magie et de sagesse et qui intrigue tant les Tunisiens. Pendant cet hommage, les organisateurs n'ont pas oublié de mentionner quelques propos de l'acteur. On cite : «Le mot Cinéma africain me fait sourire parce que ça me dérange, il n'y a pas à mon sens un cinéma africain, il y a un cinéma. Qui vient d'Afrique. Le cinéma n'a pas de couleur». Ou : «Chez nous, on dit regardez l'autre, n'ayez pas peur à le fixer dans les yeux et un jour en le regardant sérieusement, vous finirez par vous voir dans ses yeux et vous comprendrez que ce qui vous rapproche est plus grand que ce qui vous éloigne». Un hommage qui se poursuivra à la cinémathèque tunisienne jusqu'au 1er avril.