L'année universitaire 2017-2018 a été émaillée de problèmes. L'université de Kairouan compte 12 institutions universitaires (7 à Kairouan, 3 à Kasserine et 2 à Sidi Bouzid) encadrant 7.500 étudiants et 750 enseignants chercheurs (contractuels et permanents). Et depuis le mois de janvier 2018, l'université connaît un certain dysfonctionnement concernant les examens du premier semestre, et ce, à cause de la grève de certains professeurs chercheurs du syndicat Ijaba qui n'ont pas fourni à l'administration les sujets des examens et qui s'insurgent contre le non-respect de la part du ministère de la grille salariale au sein de la fonction publique et qui suppose une rémunération tributaire du niveau d'instruction des fonctionnaires suivant une grille échelonnée en fonction du nombre des années d'études après le bac. Un enseignant au sein de l'Isig de Kairouan nous précise dans ce contexte : «Le ministère de l'Enseignement supérieur accorde les mêmes salaires à tous les enseignants universitaires quel que soit leur niveau d'études. Et il s'agit là d'une grande injustice ! Par ailleurs ont est accablé par les multiples prélèvements sur notre salaire, ce qui a poussé un grand nombre de nos collègues à la migration. En fait, nous approuvons les décisions de notre syndicat qui compte poursuivre son mouvement de protestation jusqu'à la satisfaction de nos légitimes revendications...». Sa collègue renchérit : «Le but de nos revendications est de préserver la dignité des professeurs chercheurs et de protéger l'université tunisienne. C'est pourquoi nous militons pour la création d'une prime pour chaque article scientifique publié afin d'encourager la recherche, pour la révision de la grille d'avancement professionnel et pour le recrutement de nouveaux professeurs et chercheurs au chômage...». 95% des examens ont eu lieu Professeur Hamadi Messaouai, nouveau président de l'Université de Kariouan, nous précise dans ce contexte que 95% des examens au sein des 12 institutions ont eu lieu : «En effet, seuls 17 enseignants chercheurs poursuivent jusqu'à aujourd'hui leur grève, à savoir 8 à l'Isig, 8 à l'Issat et 1 à l'Ismai, ce qui a porté beaucoup de préjudice aux étudiants dont beaucoup viennent d'autres gouvernorats et qui auront de gros problèmes d'hébergement et de restauration après le 30 juin, date de fermeture des foyers et des restaurants. Tout en étant sensible à l'importance des revendications des enseignants, je ne suis pas d'accord avec la méthode employée. D'ailleurs, les membres du conseil de l'université de Kairouan ont demandé aux différents acteurs de faire prévaloir la sagesse afin de ne pas compromettre le déroulement normal de l'année universitaire et de ne pas faire en sorte que ce soient les étudiants qui se trouvent acculés à régler la note. En outre, le ministère a exprimé, à maintes reprises, sa compréhension totale de la situation des professeurs universitaires, tout en étant convaincu de la légitimité de leurs revendications qui ont figuré dans toutes les séances de négociations entre le gouvernement et les parties sociales. Par ailleurs, des commissions ont été créées au niveau de chaque établissement universitaire pour assurer la mise en œuvre des recommandations du congrès national sur la réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique notamment celles visant à améliorer les conditions de travail des professeurs universitaires et toutes les composantes de la famille universitaire...» Notons dans ce contexte que même les accords conclus, au mois de mars 2018, entre le ministère et l'Ugtt et qui comportent des points très importants relatifs à la recherche scientifique, à la pédagogie et à l'aspect social n'ont pas été approuvés par certains syndicaliste qui trouvent que toutes les nouvelles augmentations sont dérisoires. Et le citoyen lambda assiste, impuissant, à toutes ces demandes d'augmentations salariales qui fusent de partout alors qu'un grand nombre de familles vivent dans la pauvreté et n'ont ni eau, ni électricité, ni salaire stable. Témoignages D'après les témoignages que nous avons recueillis auprès de quelques étudiants, l'année universitaire 2017-2018 s'annonce sous de mauvais auspices. Meriem, inscrite à l'Issat, nous fait part de son désenchantement: «Le pluralisme syndical a semé le chaos au sein des universités tunisiennes. Je regrette la situation qui prévaut actuellement dans les institutions universitaires et qui a abouti au boycott des examens. Jusqu'à quant cela va-t-il durer? Pour moi qui viens de Gafsa, où vais-je habiter après le 30 juin? Et au cas où les examens seraient réportés pour le mois de juillet, cela donnerait beaucoup de soucis à nos familles qui devront penser à nous louer des appartements. En fait, je ne vois pas pourquoi nous devons faire les frais de ce bras de fer entre le syndicat et le ministère et qui n'a que trop duré!» Sa copine Cyrine renchérit : «En fait, nous nous sentons pris en otage dans un conflit qui ne nous concerne ni de près ni de loin. J'espère que nos enseignants feront preuve de responsabilité et prendront en considération la situation de centaines de familles et de leurs enfants».