Comme le veut la tradition, la pollution sonore bat son plein lors des veillées ramadanesques : cortèges de klaxon sur la voie publique à cause d'une circulation manquant de fluidité, cafés pleins comme un œuf et où le bruit assourdissant est roi et, pour salir la note, le volume du son émanant des radios-cassettes atteint son paroxysme à l'intérieur des boutiques et magasins que prennent d'assaut des familles désireuses d'acheter prématurément les vêtements de l'Aïd pour leurs gosses. Tout cela, on le sait et, pour le citoyen lambda, il n'y a pas lieu de s'en plaindre outre mesure, ce décor étant purement ramadanesque. De père en fils. Qui arrêtera ces gamins ? Certes, le mois saint est ainsi fait depuis la nuit des temps. Et, par la force des choses, tout le monde a fini par s'y habituer. Cependant, la version 2018 semble déroger à la règle, avec l'avènement d'une mode inédite, à savoir la «pollution sonore juvénile». En effet, des gamins âgés entre 10 et 15 ans (max SVP) pointent chaque nuit dans leurs quartiers respectifs, sous forme de rassemblements bruyants au cours desquels ils s'en donnent à cœur joie : chansons populaires, refrains de stades de football, le tout truffé de gros mots, de blasphèmes, bref de propos orduriers à irriter le cœur le plus froid du monde. Pire, il nous a été donné de constater qu'au comble de leur défoulement, certaines de ces hordes sauvages en herbe n'hésitent pas à s'attaquer, à coups de pierres, aux automobilistes qui ont eu la malchance de passer par là. Et gare à celui qui leur résiste! Le comble est que ces manifestations brutales se déroulent au vu et au su des habitants, ceux-ci étant généralement dans l'incapacité d'alerter la police, de peur d'en payer les frais le lendemain, l'esprit revanchard aidant. Mais, ce n'est pas fini, car l'enquête que nous avons diligentée révèle que ces insupportables concerts cacophoniques ne s'achèvent que quelques instants après le «shour». Advienne que pourra ! Et à ceux qui diraient que ces jeux de vilains sont l'apanage des quartiers populaires, nous leur opposons, les yeux fermés, un cinglant «détrompez-vous». Tout simplement parce qu'il s'est avéré que la contamination a bel et bien investi des cités huppées, particulièrement celles d'El Ghazala (délégation de Raoued), Borj Baccouche et Riadh Landalous (commune de l'Ariana), El Menzah I et IV (commune de Tunis), pour ne citer que ces zones les plus touchées. D'ailleurs, une enquête plus approfondie pourrait démontrer que la contagion a gagné d'autres régions du pays. Et là, émergent ces questions énigmatiques. Ces jeunes fauteurs de troubles inconscients et agressifs agissent-ils spontanément, où sont-ils à la solde d'un «caïd» ? Ou sont leurs parents ? Pourquoi les victimes parmi les habitants sont-elles si passives, si bizarrement impuissantes ? Les services de la police devront-ils placer un flic dans chacune de ces zones sinistrées ? Où est passée la fameuse brigade anti-bruit qui faisait, par le passé, les beaux jours des municipalités qui la géraient, souvenons-nous en, avec beaucoup d'efficacité ? N'est-il pas temps de voir cette brigade reconstruite et sommée de redémarrer ? Pourquoi la police environnementale, dont la création a coûté les yeux de la tête à l'Etat, n'intervient-elle pas ? La pollution sonore, autre bête noire de l'environnement, n'est-elle pas de son ressort ? Entre-temps, amusez-vous bien, jeunes diables...