Le terme «recommandations» utilisé par les institutions internationales est un euphémisme, pour dire «obligations». Si les pays ne les appliquent pas, ils seront «blacklistés» entraînant des conséquences désastreuses pour l'économie Il y a quelques semaines, le site d'information arabe Al-Araby Al Jadid titrait à propos de la Tunisie : «L'amendement de la loi sur la lutte contre le terrorisme, une nécessité sécuritaire ou des exigences dictées par l'étranger ?». Tout a commencé lorsque le ministère de la Justice, début avril 2018, déposait sur le bureau de l'Assemblée un projet d'amendement de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d'argent. Blanchiment des capitaux et financement du terrorisme Selon le gouvernement, l'idée était d'abord de se mettre en phase avec les «normes internationales en matière de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent. Ensuite, toujours selon le gouvernement, l'amendement a pour objet de «dépasser les lacunes de la loi votée en 2015 et qui, lors de sa mise en œuvre, s'est avérée difficile à appliquer dans certaines de ses dispositions». D'ailleurs, l'Union européenne se serait appuyée sur ces lacunes pour classer la Tunisie dans la liste des pays exposés au blanchiment d'argent. Les défenseurs du projet reconnaissent donc le fait que l'objet principal de l'amendement est de respecter les nouvelles «normes» internationales, notamment les résolutions onusiennes relatives à la lutte contre le financement de l'armement et la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive. L'amendement viserait également à se mettre au diapason des 40 recommandations sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, formulés par le Groupe d'action financière (Gafi). Le terme «recommandations» utilisé par les institutions internationales est cependant un euphémisme, pour dire «obligations». Si les pays ne les appliquent pas, ils seront classés dans des «blacklists» aux conséquences désastreuses pour l'économie. Ingérence étrangère pour l'opposition Présentés par le gouvernement comme une nécessité pour plus d'efficacité dans la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent, ces amendements cristallisent les critiques de l'opposition à propos de «l'ingérence étrangère». La députée d'Al-Tayar, Samia Abbou, parle de «soumission» aux instructions venues de l'étranger et accuse le gouvernement Chahed de chercher systématiquement à faire plaisir aux institutions internationales. Membre de la commission de législation générale, le député indépendant Nedhir Ben Ammou considère en outre que le projet d'amendement offre davantage de garanties aux accusés et un meilleur respect des droits de l'homme. «Le projet vient à la fois définir de manière plus claire l'acte terroriste et en même temps, verrouiller plus rigoureusement l'accès des organisations terroristes aux sources de financement», explique Nedhir Ben Ammou. Mais en procédant à l'audition des ministres de la Justice et de l'Intérieur, la commission de législation générale s'est vite rendu compte de l'existence d'un désaccord et d'une absence de coordination au sein du gouvernement. En effet, le projet d'amendement présenté par le gouvernement propose «l'interdiction d'utiliser des suspects dans l'infiltration des groupes et organisations terroristes». Mais, entendu par les députés, le ministre de l'Intérieur Lotfi Brahem s'est dit opposé à une telle disposition. Contradictions au sein du gouvernement Le ministre de l'Intérieur a invoqué l'article 8 de la loi qui dispose que: «Est exempté des peines encourues, celui qui appartient à une organisation terroriste ou à une entente ou celui qui a un projet individuel dont l'objectif est de commettre l'une des infractions terroristes prévues par la présente loi ou celles qui lui sont connexes, et qui prend l'initiative de communiquer aux autorités compétentes des renseignements ou des informations permettant de dévoiler l'infraction et d'en éviter l'exécution». Pour le ministère de l'Intérieur, il existe une contradiction entre le fait de demander à un suspect de collaborer avec la police et l'interdiction de l'utiliser lors d'opérations d'infiltration.