Avec le soutien des députés d'Ennahdha (attachés jusqu'ici au maintien de Youssef Chahed en considération de l'intérêt national, comme l'a souligné samedi 9 juin Imed Khemiri sur Nessma TV), et une majorité relative au Parlement, le chef du gouvernement aura-t-il les moyens de concrétiser le contenu du Document de Carthage II comportant 63 points ou mesures urgentes, outre le point 64 relatif à l'identité du chef du gouvernement censé appliquer ces points ? A chaque jour sa surprise, ses attentes et ses approches. A la faveur de la crise qui secoue le paysage politique national depuis plus de trois mois, plus précisément depuis que les signataires du Document de Carthage ont décidé de mettre en œuvre un nouveau document dont la concrétisation pourrait être conduite par un chef de gouvernement autre que Youssef Chahed l'actuel locataire du palais de la Kasbah, on assiste quotidiennement à une nouvelle donne, à un ballon d'essai, à une initiative qui sort de l'ordinaire, l'objectif étant de tâter le terrain en vue de parvenir à une solution de nature à apaiser les tensions et à calmer les esprits en attendant les grandes échéances électorales de fin 2019. Et ce sont précisément ces rendez-vous électoraux tant attendus, c'est-à-dire les législatives d'octobre 2019 et la présidentielle à deux tours prévue en novembre de la même année, qui semblent aujourd'hui sous-tendre, orienter ou dominer tous les mouvements, les approches ou les projections développés par les uns et les autres au point qu'on laisse entendre, maintenant, la possibilité de reporter les élections législatives et la présidentielle à une date ultérieure, qui pourrait aller jusqu'à 2021. Les arguments qui soutiennent cette initiative s'appuient sur une série de faits dont l'analyse profonde montre qu'aussi bien politiquement qu'institutionnellement, les solutions à la crise actuelle deviennent de plus en plus difficiles. Ainsi, plusieurs observateurs considèrent-ils qu'avec la crise que traverse l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), l'organisation des prochaines législatives et présidentielle dans les délais pourrait être compromise au cas où on ne trouverait pas, d'ici fin septembre prochain, un remplaçant à Mohamed Tlili Mansri, le président actuel de l'Isie viré par les membres du conseil de l'Instance en attendant sa révocation définitive par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), appelée également à élire trois membres de l'Isie désignés au tirage au sort dans le cadre du renouvellement du tiers du conseil de direction de l'instance. Et ils sont plusieurs parmi les analystes à estimer qu'il sera très difficile au Parlement de résoudre dans les délais la crise qui menace l'existence même de l'Isie. Sans majorité parlementaire Ceux qui penchent pour la solution selon laquelle Youssef Chahed pourrait remanier profondément son gouvernement comme il l'a déjà annoncé et continuer à le conduire en profitant du soutien d'Ennahdha se posent la question suivante : que pourra réaliser un chef de gouvernement ne disposant pas d'une majorité au Parlement lui permettant de faire passer les lois dont il a besoin pour gouverner ? Avec seulement le soutien des députés d'Ennahdha (attachés jusqu'ici au maintien de Youssef Chahed en considération de l'intérêt national, comme l'a souligné samedi 9 juin Imed Khemiri sur Nessma TV), le chef du gouvernement aura-t-il les moyens de concrétiser le contenu du Document Carthage II comportant 63 points ou mesures urgentes outre le point 64 relatif à l'identité du chef du gouvernement censé appliquer ces points ? Se pose une autre question : comment Youssef Chahed (au cas où il serait maintenu à la tête du gouvernement) traitera-t-il avec l'Ugtt où l'idée de «cautionner la création d'un front patriotique démocratique qui aura pour tâche essentielle de faire face à «Ettaghaouel» d'Ennahdha commence à susciter l'adhésion des forces démocratiques décidées à sortir de l'état actuel d'effritement et de division distinguant la famille social-démocrate. En parallèle, ceux qui se sont habitués à ce que les solutions-miracles proviennent du palais de Carthage attendent Si El Beji pour voir ce qu'il va décider ou pour être plus franc pour découvrir s'il va voter pour son fils Hafedh et cautionner ses choix au sein de Nida Tounès ou s'il va offrir une nouvelle chance à «son autre fils» Youssef Chahed en vue de sauver ce qui peut encore l'être avant le grand rendez-vous de 2019. Mais ces mêmes politistes «adeptes des solutions d'en haut» n'hésitent pas à s'interroger : et si Ennahdha changeait de position à la dernière minute et s'alignait sur ceux qui exigent le départ de Youssef Chahed? En tout état de cause, les Tunisiens n'auraient rien à perdre à poursuivre encore pour quelques jours (au moins d'ici la fête de l'Aïd) le feuilleton «Youssef et ses frères» d'autant plus que «Chouerreb» et «Taj El Hadhra» ont déjà fait leurs adieux aux téléspectateurs leur donnant rendez-vous pour Ramadan 2019.