Machrou Tounès se retire du Document de Carthage, annonce qu'il n'apportera plus son soutien au gouvernement d'union nationale et appelle à un gouvernement de compétences nationales dont les membres ne se présenteront pas aux élections. On attend la réponse de Youssef Chahed On croyait, peut-être à tort, que le gouvernement d'union nationale et le Document de Carthage ont été sauvés samedi dernier, à l'issue de la deuxième réunion des signataires du même document (à l'exception d'Afek Tounès, d'Al Joumhouri et du mouvement Echaâb) sous la présidence du président de la République, Béji Caïd Essebsi. Le chef de l'Etat a, en effet, choisi la voie de l'apaisement, expliquant qu'ensemble, les Tunisiens peuvent surmonter la crise née de l'augmentation des prix prévue dans la loi de finances 2018. Et avec les mesures exceptionnelles prises par le gouvernement au profit des catégories vulnérables et annoncées le jour même de la réunion, les observateurs n'ont pas manqué de souligner que la crise est dépassée et que Youssef Chahed aura le temps nécessaire pour concrétiser la nouvelle politique d'emploi des jeunes et de leur intégration dans la dynamique d'investissement promise le dimanche 14 janvier à l'occasion de la célébration du 7e anniversaire de la révolution ainsi que les mesures qualifiées de révolutionnaires révélées mercredi 17 janvier devant les participants au 16e congrès de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica) qui vient de se doter d'un nouveau président en la personne de Samir Majoul, réélu un jour auparavant, soit le mardi 16 janvier, président de la Fédération nationale des industries agroalimentaires. Malheureusement, l'accalmie née à la faveur de la réunion des signataires du Document de Carthage n'a pas réussi à résister longtemps puisque Machrou Tounès, l'un des signataires du document, a annoncé, hier, son retrait du même document et qu'il n'accorde plus de soutien au gouvernement d'union nationale. Et son secrétaire général, Mohsen Marzouk, d'aller encore plus loin en appelant «à la formation d'un gouvernement de compétences nationales dont les membres ne se présenteront pas aux prochaines élections». Il estime que le Document de Carthage «est dépassé, qu'il ne constitue pas le cadre idoine pour l'application des accords convenus et que le processus qui a abouti à la naissance de ce document doit être révisé», mais cette fois, il est appelé à donner naissance à un gouvernement de compétences indépendantes. Et contrairement à l'expérience du gouvernement Mehdi Jomaâ de compétences apolitiques qui avait essentiellement pour mission de préparer les élections législatives et présidentielle de fin 2014, le gouvernement que prône Mohsen Marzouk aura à appliquer un programme digne d'un gouvernement disposant d'une majorité d'au moins deux tiers des sièges du Parlement. Le secrétaire général de Machrou Tounès, connu pour ses initiatives à profusion et ses propositions interminables, trace la voie que le gouvernement de compétences nationales indépendantes doit emprunter: des réformes urgentes pour surmonter la crise économique, sociale et fiscale, poursuite de la lutte contre la corruption, réussite des élections municipales, garantie de la neutralité de l'administration et des médias. Une année plus difficile que prévu Les observateurs approchés par La Presse pour évaluer l'appel de Marzouk et sa décision de quitter le Document de Carthage et de retirer le soutien de son parti à Youssef Chahed se posent les questions suivantes : – Après le retrait d'Afek Tounès, d'Al-Joumhouri et d'Al-Massar et maintenant Machrou Tounès, l'idée même de gouvernement d'union nationale est-elle toujours d'actualité et le Document de Carthage n'est-il pas devenu caduc du fait qu'il ne renferme plus que deux partis politiques (Ennahdha et Nida Tounès, eux aussi en guerre déclarée depuis la cuisante défaite nidaiste en Allemagne) et les organisations syndicales professionnelles (l'Utica, l'Ugtt et l'Utap dont les responsables multiplient les critiques à l'adresse du gouvernement et menacent quotidiennement Youssef Chahed de lui retirer leur soutien au cas où il ne satisferait pas leurs exigences) ? – Comment va réagir Youssef Chahed en constatant que les partis soutenant le Document de Carthage se réduisent comme une peau de chagrin et comment va-t-il réagir aux pressions de l'Ugtt dont le secrétaire général, Noureddine Taboubi, souffle le chaud et le froid et n'hésite pas à monnayer chèrement son appui au gouvernement (ne vient-il pas d'exiger que le Smig passe de 330 à 860 dinars), étant convaincu que Youssef Chahed ne dispose pas de beaucoup de solutions de rechange face aux nidaistes et aux nahdhaouis qui posent eux aussi leurs conditions et pensent que la situation dans laquelle se trouve actuellement le chef du gouvernement leur permet d'obtenir le maximum de leurs revendications ?