Prévus pour être repris depuis plusieurs jours, les pourparlers concernant le Document de Carthage II destinés à trancher la crise politique qui secoue le pays, vont être encore une fois reportés. La cause, un énième voyage à l'étranger du président du Mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, compromettant ainsi la reprise des réunions des parties signataires. Ce qui est de nature à perpétuer la crise. Une situation qui ne fait qu'empirer l'atmosphère délétère de la scène politique, laissant le pays dans l'expectative d'une solution amenant la Tunisie à bon port en la sortant de cette tension latente qui couve et gronde tel un ouragan prêt à tout emporter sur son passage. Le pays vit au ralenti et les citoyens, bien que lassés par ces interminables rencontres et querelles politiques, sont aux aguets de la moindre lueur d'espoir d'une issue positive, permettant le redémarrage de l'économie du pays. Suspendu par le président Béji Caïd Essebsi après le blocage sur le point relatif au limogeage de Youssef Chahed, le Document de Carthage II était censé apporter un nouveau consensus entre les parties signataires sur une nouvelle feuille de route relançant les réformes et le programme d'action du gouvernement. A lieu de cela , il est devenu objet de divergences entre les partenaires politiques dans le pays qui se sont divisés en deux camps, celui soutenant Youssef Chahed et celui réclamant son départ. On rappelle que le parti Ennahdha est un farouche supporteur de Chahed, expliquant son choix par le souci de la stabilité du pays, concédant seulement d'opérer un léger remaniement ministériel. Dans ce camp on retrouve l'UTICA, le parti Al Moubadara et Al Massar. Dans le camp adverse qui exige un changement profond du gouvernement avec le limogeage du chef du gouvernement, on retrouve l'UGTT, suivie par Nidaa Tounes, l'UPL et l'Organisation des femmes qui estiment que Youssef Chahed et son gouvernement ont échoué sur toute la ligne et ont contribué à la détérioration de la situation économique et sociale du pays. 23 jours après la suspension du Document de Carthage II rien de radical n'a changé dans les positions des différents acteurs en présence à l'égard du point central qui les oppose , à savoir le départ ou le maintien de Youssef Chahed. Mais la sortie médiatique du chef du gouvernement qui a accusé le directeur exécutif de Nidaa Tounes, Hafedh Caïesd Essebsi d'avoir détruit le parti en semant la division et de perturber la marche de l'Etat au moment où le président de la République était hors du pays, a constitué un déclic pour une reprise des négociations afin de désamorcer la crise avant que les choses ne soient hors de contrôle. Chahed a indiqué dans son discours à la télévision nationale qu'il refusait de démissionner, assurant son intention de servir les intérêts du pays. Il a annoncé sa décision d'opérer un remaniement ministériel. Béji Caïed Essebsi a, aussitôt après son retour de Paris, rencontré Rached Ghannouchi et Noureddine Taboubi pour tenter de rapprocher leurs points de vue et de trouver un compromis pour sortir de la crise. Visiblement rien de concret n'a été réalisé à ce niveau étant donné que chacun est resté campé sur ses positions. Ghannouchi, fuyant visiblement les réunions afin d'éviter toute reprise des négociations concernant le Document de Carthage II, est conforté par le mandat que lui ont délégué les instances du parti Ennahdha. Taboubi a campé sur ses positions en revenant plusieurs fois à la charge pour attaquer le gouvernement de Youssef Chahed et enfoncer le clou, le critiquant sans ménagement pour la mauvaise gestion des affaires du pays et lui faisant assumer tous les problèmes. Entre-temps, Youssef Chahed a pu engranger des soutiens. En effet, une partie de Nidaa Tounes le supporte tout comme une partie de Machrou Tounes de Mohsen Marzouk en plus du soutien devenu quasi traditionnel que représente une majorité des nahdhaoui. A ce stade, la crise est appelée à perdurer encore davantage, au grand dam du citoyens qui voient leurs aspirations à la stabilité et à l'amélioration de leurs conditions de vie différées sans cesse, en raison des considérations d'ordre partisanes et politiciennes. Toutefois, le limogeage du ministre de l'Intérieur, Lotfi Brahem, pourrait accélérer les choses. A défaut d'un accord entre les partenaires du Document de Carthage, un remaniement partiel opéré par Youssef Chahed pourrait clore cette saga de la crise politique dans le pays, en attendant de voir se préciser la situation en prévision de 2019.