Doliprane 1000, Augmentin, Levothyrox, pilules contraceptives, Glucophage (antidiabétiques)... Et la liste n'est pas exhaustive... Plusieurs médicaments sont aujourd'hui en rupture de stock. La pénurie annoncée depuis plusieurs mois ne touche pas que les médicaments coûteux importés pour soigner les pathologies chroniques graves. Même les médicaments génériques fabriqués en Tunisie ont disparu des rayons des officines et des pharmacies hospitalières Lorsque La Presse a tenté de s'informer sur les médicaments en manque auprès d'une pharmacie du centre-ville, la réponse était choquante : «Ne nous demandez plus quels sont les médicaments qui connaissent une pénurie, mais ceux qui sont encore disponibles dans les pharmacies !». Avec un air désolant et désespéré, les préparatrices de l'officine ont dévoilé cette situation de détresse et d'incapacité, à laquelle elles font face quotidiennement devant l'impossibilité de satisfaire les besoins médicaux des malades. Les cris d'alarme ne datent pas d'aujourd'hui, mais depuis des mois, on parle de «crise du secteur de la santé» en Tunisie. Ils touchent désormais les médicaments vitaux, des antibiotiques et les moyens de contraception. Malades, médecins et pharmaciens, se sont insurgés contre la léthargie gouvernementale et l'indifférence des autorités devant cette pénurie exacerbée. Parmi eux, l'activiste Lina Ben Mhenni qui a dénoncé, dans une déclaration à la TAP, ce manque et qui peine comme beaucoup de malades à trouver les médicaments qui atténueront leurs peines. «Ce qui me touche le plus, c'est que la pénurie de médicaments pourrait affecter sérieusement la santé de certains malades et entraîner le décès». Toujours selon la même source, le Dr Maha Hachicha, secrétaire générale-adjointe du Syndicat tunisien des médecins libéraux (Stml), a déclaré : «La situation est grave, même les médicaments vitaux manquent, comme l'insuline». Et de citer les principaux facteurs qui sont derrière cette pénurie inédite : surendettement de la Pharmacie centrale, contrebande et vol de médicaments, corruption... Pas de panique du côté du ministère de la Santé Devant cette situation suscitant l'ire et l'exaspération du cadre médical, les responsables de la santé parlent « d'un manque » et non d'une pénurie. Ainsi, la directrice générale de la santé en Tunisie, Nabiha Boursalli, a déclaré à la TAP que le mot «pénurie» faisait peur et que «des solutions au niveau du ministère de la Santé ne manquent pas pour réduire ce petit manque». La directrice de la pharmacie et des médicaments au ministère de la Santé, Dr Inès Fradi, a de son côté déclaré que «le problème du manque de médicaments est un phénomène mondial qui peut toucher tous les pays». Autre fait qui vient rebondir sur cette question, il s'agit de l'appel lancé par Dr Faouzi Addad, à travers les réseaux sociaux, dénonçant la rupture de stock du Xylocaine, médicament utilisé pour l'anesthésie locale, à l'hôpital Abderrahmane-Mami (Ariana). Cette dernière nouvelle, qui n'est pas passée inaperçue, a provoqué la visite inopinée du chef du gouvernement, Youssef Chahed, lundi matin 11 juin, pour s'enquérir du manque de médicaments dans cet hôpital. Une visite qui a été suivie par un Conseil ministériel consacré à cette question, promettant des mesures urgentes pour pallier le manque de médicaments et améliorer les conditions de travail des médecins dans les hôpitaux publics. Les malades, quant à eux, devront prendre leur mal en patience et supporter cette période d'expectative, en plus des souffrances et des maux. «Aujourd'hui, il n'y a plus de médicaments, demain, il n'y aura plus de médecins ni de santé en Tunisie», s'indignent de jeunes médecins.