Par M'hamed JAIBI «La Banque centrale est déterminée à mener une politique monétaire proactive pour juguler l'inflation qui a enregistré une forte accélération en 2018». C'est en ces termes que la BCT tente de justifier la décision de hausser d'un point son taux directeur, décision qu'elle vient de prendre à la veille de l'Aïd, et qui a déjà suscité une terrible controverse au cœur même de l'étouffante crise économique, financière et monétaire qui enserre le pays depuis près de 8 ans. Après une trop longue période de laisser-aller et de laisser-faire sous la houlette d'un gouverneur fin politique sorti des archives, qui n'a fait qu'accompagner la dégringolade en la caressant dans le sens du poil, voici que les techniciens de la Banque centrale montent au créneau pour nous épargner. «Trop tard. Le malade est mort !», diraient certains, ou «trop peu, trop tard !», comme diraient d'autres. C'est dire que les mesures «draconiennes» préconisées risquent de ne point susciter les réactions attendues au niveau des indicateurs financiers et monétaires, autres que de nouveaux déséquilibres pouvant mener à l'abîme. Certes, nous y étions presque et la reprise en main s'impose sans doute. D'où l'expectative de mille et une mesures et contre-mesures soumises, dans un proche avenir, aux appréciations de la Banque centrale. Ce «remède de cheval» préconisé par la BCT a été judicieusement accompagné de décisions plus ou moins appréciées par les différents opérateurs économiques et financiers, ciblant davantage les secteurs productifs. La Banque centrale a ainsi arrêté des mesures d'accompagnement pour l'allocation des liquidités, notamment à travers la mise en place d'un «guichet d'appel d'offres» d'une maturité de 6 mois, au profit des banques, dédié au refinancement des crédits accordés au titre de nouveaux projets d'investissement, notamment et de PME à l'effet d'inciter les institutions bancaires à les financer. De gardien du Trésor impuissant de ces dernières années, qui affirmait haut et fort n'avoir pas le droit d'intervenir même sur les transactions les plus scandaleuses, nous passons à une BCT offensive courant le risque des mesures les plus audacieuses... et risquées. Ainsi, la Banque centrale explique que la décision de passer le taux directeur de 5,75% à 6,75% a été prise pour lutter contre le comportement inflationniste «à l'issue de l'examen des indicateurs récents de la conjoncture économique internationale et nationale, en particulier l'analyse des derniers développements en matière d'inflation et de prix et leurs perspectives lors des prochains mois». Cette décision prise à la fin du mois saint qui a poussé à fond la pédale de la surconsommation comme à l'accoutumée — et forcément de la spéculation et de la dérégulation du marché — et à la veille de la saison estivale qui suit la même tendance, viserait à calmer les «tensions inflationnistes» (le glissement annuel de l'inflation (passé de 4,8% en mai 2017 à 7,7% en mai 2018). L'objectif étant de tenter d'éviter «les effets néfastes aussi bien sur la reprise récente de la croissance économique que sur le pouvoir d'achat des citoyens». Et selon la Banque centrale, la situation n'est pas près de s'améliorer; «l'envolée des prix internationaux de l'énergie et de la plupart des produits de base, la remontée de l'inflation chez nos principaux partenaires, la hausse des salaires (chez nous) sans amélioration de la productivité, la persistance du déficit commercial... et l'accélération de la demande intérieure de consommation... sont autant de facteurs qui pourraient contribuer à «propulser l'inflation vers des niveaux jamais atteints depuis près de trois décennies». Reste à savoir si notre «remède de cheval» fera prévaloir les aspects utiles ou plutôt entraîner des conséquences néfastes. En tout cas, prises isolément, les mesures annoncées n'ont aucune chance de sauver «le cheval» car trop de mécanismes et d'indicateurs ont été laissé à vau-l'eau trop longtemps. De sorte qu'il est essentiel de reprendre en main toutes les capacités et technicités dont se prévaut habituellement une Banque centrale pour retrouver, peut-être, le chemin pouvant permettre de quitter salutairement l'enchevêtrement de ce labyrinthe touffu qu'est devenu notre système financier et monétaire afin de le remettre sainement au service de l'économie nationale et du développement.