«Nous avons travaillé dans le cadre le plus strict de la Constitution tunisienne de 2014 et des conventions internationales signées par l'Etat tunisien», soutiennent les membres de la Colibe Si la commission préconise l'abolition pure et simple de la peine de mort, une autre proposition inscrite dans le rapport suggère de maintenir la peine de mort tout en précisant les cas dans lesquels la sentence peut être prononcée. La commission appelle à ériger le principe d'égalité comme la règle et la loi successorale coranique, comme l'exception. La Commission des libertés individuelles et de l'égalité a organisé hier une conférence de presse à Dar Dhiafa, à Carthage, lors de laquelle ses membres ont donné des éclaircissements sur le rapport commandé par le président de la République, et qui lui a été présenté le 12 juin, au terme de 33 réunions de travail interne, de 25 ateliers avec plusieurs partenaires, de plusieurs séances d'écoute de la société civile et des rencontres avec les partis politiques. Anticipant les critiques, la commission a tenu à affirmer que la liste des réformes proposées n'était pas en contradiction avec la religion musulmane. «Nous avons travaillé dans le cadre le plus stricte de la Constitution tunisienne et des conventions internationales signées par l'Etat tunisien», a indiqué Karim Bouzouita, membre de la commission. Peine de mort, égalité successorale et devant le nom de famille Le rapport se compose de trois grands volets dont un relatif à la question de la peine de mort. Si la commission préconise l'abolition pure et simple de la peine de mort, une autre proposition inscrite dans le rapport suggère de maintenir la peine de mort tout en précisant les cas dans lesquels la sentence peut être prononcée. Selon Salwa Hamrouni, membre de la commission, il est important de créer un cadre légal au moratoire sur la peine de mort observé par la Tunisie depuis plusieurs années. Le point principal d'achoppement est sans aucun doute celui de l'égalité dans l'héritage. Là, la commission appelle à ériger le principe d'égalité comme une règle et de faire des règles successorales coraniques, une exception à la règle. Ainsi, tout individu devrait expressément demander l'usage de la loi charaïque. A défaut, c'est la règle de l'égalité qui s'appliquerait. La commission créée sur décision du président de la République souhaite également une plus large égalité entre les conjoints. A titre d'exemple, la possibilité pour la mère de transmettre son nom de famille à ses enfants, ou encore le consentement au mariage de la mineure ne revient plus qu'au père mais également à la mère. Le rapport contient également d'autres recommandations dont celles d'une clarification de l'article 6 de la Constitution relatif à la liberté de conscience. Salwa Hamrouni a, à cet effet, expliqué que le rapport revendique une meilleure définition des notions «d'accusation d'apostasie» (takfir) et «d'atteinte au sacré», afin que ces termes ne soient plus employés de manière abusive pour porter préjudice à la liberté d'expression. Toutefois, cette même liberté d'expression devrait, toujours selon le rapport, avoir pour limite «l'appel à la haine». Autrement dit, les discours directement ou indirectement incitatifs à la haine devraient être punis par la loi. Interdiction du test anal et levée du contrôle sur les œuvres artistiques En ce qui concerne les libertés individuelles, la commission préconise l'interdiction du test anal, qui permet aujourd'hui encore à la police de vérifier les orientations sexuelles des personnes accusées d'homosexualité. En outre, le rapport préconise de criminaliser toute incitation au suicide, et appelle à une levée du contrôle sur les œuvres artistiques. Pour sa part, la porte-parole de la présidence de la République, a estimé que le rapport est «historique». Elle a expliqué lors de la conférence de presse qu'un projet de loi sera présenté cette année à l'Assemblée pour «continuer ce qui a été commencé en 1956». Le rapport de la commission proposera en effet deux projets de loi. Le premier aura pour objet les droits et les libertés individuelles, tandis que le deuxième concernera «la lutte contre la discrimination à l'égard de la femme et entre les enfants».