Un an déjà, avec un bilan jugé bon, le Programme d'appui aux médias en Tunisie (Pamt), lancé en 2017 par l'Union européenne, à hauteur de 30 millions de dinars, semble n'avoir pas lésiné sur les moyens pour tirer le secteur de sa précarisation. Dons d'équipements, formations et renforcement des compétences professionnelles, tout est consacré à la reconfiguration du métier qu'on croyait, un certain 14 janvier 2011, affranchi des vieux démons du passé. Son état des lieux actuel est si névralgique qu'il appelle à une nécessaire réforme structurelle, touchant même à la formation académique de base au sein de l'Ipsi. Toujours dans le cadre de ce programme « Pamt », le journaliste français Michel Leroy, consultant confirmé dans les questions sociales, l'enquête et l'international, a donné, hier matin à Tunis, une conférence de presse au cours de laquelle il a présenté sa toute récente « recherche-étude sur la formation au journalisme en Tunisie ». Réalisée sur le tas, fruit d'un travail laborieux dans quatre régions du pays, la recherche s'est ainsi focalisée sur la formation initiale dans le domaine, particulièrement fournie par l'Institut de presse et des sciences de l'information (Ipsi). L'homme a mis en avant un triple objectif: « partir du terrain, sans a priori et en tirer des leçons ». Il voudrait se faire une image globale et exhaustive du paysage médiatique dans le pays. La cartographie des acteurs-formateurs se base, bien évidemment, sur l'Ipsi, indéniablement reconnu être l'opérateur de référence au centre du jeu, sans pour autant négliger l'apport des autres universités et instituts privés créés au fil du temps. Et le conférencier d'expliquer que la précarisation du métier de journaliste, notamment ces dernières années, prête à réfléchir sur son devenir. D'après lui, trois chocs principaux donnent à repenser ce modèle de formation : « une carte de presse sur cinq appartient à un journaliste sorti hors de l'Ipsi, faible score au bac (105,42) pour s'y inscrire et 70% de ses licenciés sont des femmes». Vingt-cinq pistes de réflexion Sur la même lancée, il y a bien d'autres défis qu'on doit prendre en considération: « Un journaliste sur quatre est entré dans la profession après la révolution, alors que un sur cinq a subi une formation autre que le journalisme. Ce qui l'amène à dire que la profession connaît une crise de compétences « hybrides », soit ce qu'il appelle « le défi de l'introuvable professionnalisation ». Idem, le manque de spécialisation. Cette étude lui a montré qu'une telle formation au journalisme devrait se réinventer. Et ce pour atteindre trois objectifs : acquisition des compétences, accès au monde du travail et besoins prospectifs du secteur. Les recommandations issues de l'étude en question tablent sur 25 pistes de réflexion dont Leroy vient de réduire en trois grandes priorités. La première est qu'il est temps d'ouvrir les filières à de nouveaux profils en simplifiant l'offre, tout en renforçant la sélection. La seconde s'intéresse au développement des parcours co-construits sur le modèle de l'alternance, tandis que la troisième incarne l'idée de renforcer les capacités pédagogiques des enseignants et la présence des professionnels. Il y a, du reste, selon Leroy, une urgence qui lui tient à cœur : la « relégitimation » de la formation au journalisme.