KHARTOUM (Reuters) — Le Soudan va proposer aux rebelles darfouris du Mouvement Justice et Egalité (JEM) plusieurs postes au sein du gouvernement, selon des accords de paix que s'apprêtent à signer les deux parties. Ces documents sont le premier signe concret que Khartoum est prêt à partager le pouvoir avec le JEM. Ce geste pourrait toutefois valoir au gouvernement soudanais de s'aliéner ses alliés actuels dans l'ouest du pays et compliquer les préparatifs des élections programmées en avril. Le Président soudanais Omar Hassan Al Bachir devait signer hier un cessez-le-feu et un "accord-cadre" détaillant les objectifs des futures négociations, avec le chef du JEM, Khalil Ibrahim, à Doha. A quelques heures de la signature, le JEM a rapporté hier avoir subi une attaque des forces gouvernementales, une information démentie par l'armée soudanaise et qui n'a pas été confirmée par des sources indépendantes. "Nos camarades et la garnison de Jabel Moun, près de la frontière du Darfour de l'Ouest et du Tchad, ont été attaqués par les forces gouvernementales et des milices, soutenus par des avions Antonovs et des hélicoptères. Nous avons gagné", a déclaré le porte-parole du JEM, Ahmed Hussein Adam. Khartoum a déjà accusé dans le passé les rebelles d'avoir inventé des attaques. Cette annonce pourrait jeter une ombre sur les cérémonies de ratification du cessez-le-feu à Doha. Selon Adam, les rebelles ont toutefois toujours l'intention de signer l'accord. Selon une copie en français de l'accord-cadre, le JEM et Khartoum sont convenus de "la participation du Mouvement pour la Justice et l'Egalité à tous les niveaux du pouvoir (exécutif, législatif...) selon des modalités à convenir ultérieurement entre les deux parties". Le texte prévoit en outre que le JEM deviendra un parti politique au terme des négociations, et que ses combattants intégreront les forces armées et la police soudanaises. "La paix doit prévaloir au Darfour avant les prochaines élections", a déclaré Al Bachir, cité lundi par l'agence de presse officielle Suna. D'autres mouvements rebelles, comme l'Armée de libération du Soudan (ALS) dirigée par Abdel Wahed Mohamed El Nur, ont rejeté l'accord. Accord final en mars Ibrahim et les responsables soudanais ont signé une première version d'un accord au Tchad samedi qui prévoit un cessez-le-feu, l'intégration du JEM à l'armée soudanaise et la promesse de conclure un accord de paix final d'ici au 15 mars. Cette date n'est pas réaliste, a cependant estimé hier Adress Mahmoud, un représentant européen du JEM présent au Qatar pour signer le cessez-le-feu. "Je pense qu'il est trop tôt pour dire si tout sera terminé d'ici à mars ou juin", a-t-il dit. "Une fois l'accord-cadre signé, le reste va demander beaucoup de négociations". Dimanche, conformément à l'accord-cadre qui prévoit l'amnistie générale de membres civils et militaires du JEM, Al Bachir a annulé les condamnations à mort prononcées contre plus de 100 hommes accusés d'avoir participé aux attaques du JEM à Khartoum et s'est engagé à libérer un tiers d'entre eux "immédiatement". Les responsables de la prison Kober de Khartoum ont indiqué à Reuters attendre les ordres pour libérer les détenus. Le négociateur du JEM, Ahmed Tugud, a indiqué que le mouvement rebelle demanderait le report des élections dans le cadre des négociations sur le partage du pouvoir. Khartoum pour sa part insiste pour la tenue d'élections en avril. Le JEM est considéré comme la principale force armée du Darfour. Il a mené en 2008 une attaque sans précédent à Khartoum. Ibrahim avait soutenu le coup d'Etat de 1989 par lequel Al Bachir était arrivé au pouvoir. Il a occupé plusieurs postes au sein du gouvernement régional du Darfour avant de prendre part au soulèvement de cette région en 2003. Les Nations unies estiment que 300.000 personnes ont été tuées depuis le début de ce conflit, mais les autorités soudanaises contestent ce chiffre. La Cour pénale internationale de La Haye a émis l'an dernier un mandat d'arrêt international contre Al Bachir pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.