La perte enregistrée au niveau de la capacité des barrages est estimée à environ 107 millions m3 tous les 5 ans. A la fin de 2015, la Tunisie a exploité seulement 26 grands barrages sur un total de 36 barrages. Entre 2005 et 2010 et entre 2010 et 2015, la capacité de mobilisation n'a réellement pas augmenté, et ce, malgré tous les investissements réalisés depuis 2005, selon le Dr Raoudha Gafrej, professeur assistante et experte dans le domaine de l'environnement, de l'eau et du climat. Les informations fournies par les rapports sur l'eau et qui indiquent que l'on dispose de 35 barrages en exploitation à la fin de 2015 et de 36 barrages en 2016 sont totalement erronées, selon cette experte. En effet, depuis 2002, les barrages Zarga et Zayatine mis en eau et fonctionnels en 2012 n'ont été transférés à la direction de l'exploitation que le 31 décembre 2016. Le barrage Gamgoum mis en eau également en 2012 a été mis en exploitation le 30 janvier 2017. Les barrages El Moula mis en eau en 2013 et El Kébir mis en eau en 2014 ont été mis sous la direction de l'exploitation le 15 janvier 2018. Les barrages El Harka, Ettine et El Melah achevés en 2015 et en 2016 et El Kebir achevé en 2013 ne sont toujours pas exploités. Les retards dans la réalisation de ces ouvrages et de leurs conduites de transfert expliquent le fait qu'ils ne soient pas encore opérationnels. Aussi des délais très longs sont observés dans l'exploitation réelle des ouvrages. Notre experte explique : «A la fin de 2016, la capacité de mobilisation a augmenté avec la mise en exploitation de trois barrages : Ziatine (33 millions de m3), Gamgoum (18,3 millions de m3) et Zarga (24 millions de m3). Mais seules les eaux du barrage Zayatine sont réellement et faiblement exploitées. Pour la majorité des nouveaux barrages, les conduites de transfert ne sont pas encore achevées. De ce fait et malgré la construction des huit barrages nouveaux, le volume utilisable n'a fait que baisser puisque l'envasement est responsable d'une perte moyenne annuelle en 2017 d'environ 24 mm3/an. Certains barrages n'ont presque pas été exploités pour la simple raison que le transfert de l'eau coûte cher : le cas du barrage Sidi El Barrak et de Barbara mis en exploitation en 2001 sont assez édifiants. En effet, sur la période de 2001 à 2016, plus de 4.000 millions de m3 du barrage Sidi El Barrak ont été rejetés dans la mer alors que ce barrage a été prévu pour le transfert d'environ 170 millions de m3 pour les besoins en eau potable du Grand-Tunis, du Cap Bon et du Sahel». En considérant la moyenne annuelle, la perte enregistrée au niveau de la capacité des barrages est estimée à environ 107 millions m3 tous les 5 ans. Ceci revient à dire qu'entre 2015 et 2030 la capacité de stockage des barrages actuels diminuera d'au moins 321 millions de m3. De ce fait si le volume mobilisé par les grands barrages en 2015 est de 2.272 millions de m3, et en considérant les nouveaux barrages qui seront mis en eau d'ici 2020, le volume réellement mobilisé ne sera que d'environ 2.053 millions de m3, c'est-à-dire encore moins que le volume de 2015. Notre experte a proclamé que l'interconnexion des barrages n'est pas en train de jouer son rôle puisque les eaux excédentaires observées en hiver ne sont jamais transférées. Aussi les eaux des barrages de Sidi El Barrak, El Moula, El Harka, Gamgoum, Zayatine, Zarga, El Kebir, Ettine, El Maleh qui totalisent un volume mobilisé de 535 millions de m3 ne pourront jamais être transférées pendant la période estivale compte tenu que l'infrastructure de transfert entre Sejnane et le canal Medjerda Cap Bon ne permet de transférer au maximum que 280 millions de m3 en pompage continue 24/24. Ainsi, 255 millions de m3 ne sont pas exploités via le transfert. Enfin, l'évolution du taux d'envasement qui est passé de 17,8 millions de m3/an en 2008 à 24 millions de m3/an en 2017, soit une augmentation de 35%, et la capacité saturée du système de transfert révèlent qu'au lieu de protéger les bassins versants contre l'érosion et toute autre forme de dégradation, de nouveaux barrages sont construits pour mobiliser plus d'eau que nous ne sommes pas capable d'exploiter.