Ce que semblent oublier certains, des deux côtés, c'est que la démocratie, telle que pensée par la Constitution de 2014, dispose que le débat, le vrai, le tranchant se déroule à l'intérieur d'une salle appelée communément parlement, et qui représente le peuple tunisien Loin des hystéries et des slogans creux, d'un côté ceux qui affirment que les opposants au rapport de la Colibe ne sont que des salafistes daechiens et, de l'autre, ceux qui accusent les partisans du rapport de mécréance ou encore de vouloir délibérément s'en prendre à l'islam. Ces deux positions, aussi populistes soient-elles, occultent en fait le débat de fond par le truchement de quelques vidéos et déclarations le plus souvent sorties de leur contexte. Mais en revanche, ce qui fait que le débat soulève autant de passion, c'est que chacune des deux parties voit les choses avec l'optique de son choix. Les partisans du rapport, que cela se dise clairement, ne se posent pas la question de savoir si les recommandations sont compatibles avec l'Islam ou non. Leur logique est celle de la citoyenneté et des dispositions de la Constitution de 2014. Les opposants, eux, portent sans aucun doute les lunettes de la religion et dénoncent une déviation quant aux préceptes de l'Islam. C'est en cela que le débat devient difficile, voire impossible. Dans ce débat, plusieurs universitaires de la Zitouna et des imams se sont prononcés, bien évidemment, avec une orientation clairement religieuse. Ces universitaires ont ainsi estimé que le rapport est en contradiction avec les textes clairs du Coran et de la Sunna (les propos du Prophète Mohamed) sur des sujets «communément acceptés par les musulmans», à l'instar de l'interdiction de l'adultère et de l'homosexualité. Ces universitaires estiment également que le rapport porte atteinte aux fondamentaux de la famille. Ils pointent principalement du doigt l'égalité dans l'héritage, l'égalité en ce qui concerne la dot et la possibilité pour une femme de donner son nom de famille à ses enfants. L'un des reproches que font les détracteurs du rapport de la Colibe, c'est également d'avoir sciemment décidé de ne pas utiliser des termes à caractère religieux dans le rapport. Un choix interprété par ces universitaires comme une volonté d'écarter l'Islam du débat. De plus, la composition même de la commission, décidée par le président de la République, fait l'objet de nombreuses critiques. Selon les opposants au rapport, la commission ne comprend pas de spécialistes en langue arabe ou un théologiste spécialisé dans l'exégèse du Coran. Hier, ils étaient des centaines à manifester dans la rue, pour réclamer l'annulation des travaux de la Colibe. Les manifestants ont bravé la chaleur et estiment que leur action s'inscrit dans le cadre d'un jihad pacifique contre ceux qui voudraient porter atteinte à la religion musulmane. «Je m'étonne de voir qu'un texte rédigé par une minorité peu populaire ait un retentissement médiatique aussi important, déclare Saoussen, étudiante en architecture venue manifester son refus du rapport. C'est dommage que l'on soit obligé de manifester sur des sujets pareils alors que les défis de la Tunisie sont autres». Le 13 août prochain, ce sera au tour des partisans de la cause féministe de manifester. Mais ce que semblent oublier certains, des deux côtés, c'est que la démocratie, telle que pensée par la Constitution de 2014, dispose que le débat, le vrai, le tranchant se déroule à l'intérieur d'une salle appelée communément parlement, et qui représente le peuple tunisien.