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Béji Caïd Essebsi tranchera aujourd'hui en faveur de l'égalité successorale Moyennant un projet de loi qui sera présenté au Parlement par la présidence de la République
Ce n'est guère nouveau mais tous les regards semblent rivés aujourd'hui sur le palais de Carthage, plus précisément sur le président Béji Caïd Essebsi. Et pour cause. C'est à lui qu'il incombe de trancher d'une certaine manière le devenir immédiat du rapport de la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (Colibe). Commission convoquée par le chef de l'Etat il y a un an et dont le rapport, mis au jour en juin dernier, suscite de vifs débats et d'amers échanges entre fervents défenseurs et acharnés détracteurs. Une initiative législative présidentielle décisive est escomptée aujourd'hui. Aux dernières nouvelles, Béji Caïd Essebsi et son proche entourage préparent déjà le texte d'un projet de loi sur l'égalité successorale entre hommes et femmes. La présidence de la République le présentera au Parlement dès la rentrée parlementaire, début octobre. D'autres propositions de la Colibe sur les libertés individuelles feront l'objet de projets de loi dont se chargeront les départements ministériels en fonction de leurs spécificités (Justice, fiscalité...). Et tout se fera à travers le Parlement. Ce qui permettra un large débat citoyen à cet effet. Côté classe politique, le débat semble tranché entre les partisans de la tolérance et les modernistes, d'une part, les conservateurs et les islamistes et salafistes, de l'autre. Les premiers soutiennent les propositions de la Colibe sur les libertés individuelles et l'égalité successorale entre l'homme et la femme, les seconds les refusent d'emblée, en gros et au détail. Le mouvement Ennahdha, chef de file du clan des islamistes et conservateurs, récuse carrément l'égalité successorale et les libertés individuelles et académiques ainsi que la liberté de conscience. Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, en a fait part au président de la République sans le déclarer ouvertement à l'opinion, soufflant toujours le chaud et le froid et entretenant l'amalgame. Cela découle de l'ambivalence même de ce mouvement, dont les dirigeants tiennent un discours et affichent des prises de position qui ne sont guère ceux de la base et des cadres intermédiaires du parti. Bien pis, le discours dispensé à la base n'est pas celui adressé à la galerie. Ils sont le plus souvent aux antipodes l'un de l'autre. Après avoir essuyé des revers, Béji Caïd Essebsi réinvestit la place. Les affaires des scissions et discordes de Nida Tounès, liées à son fils, Hafedh Caid Essebsi, ont créé une espèce de désillusion auprès de larges franges de l'opinion. Une désillusion sur fond de désenchantement des promesses lancées à tout vent à la veille des élections législatives et présidentielle de 2014, que Béji Caïd Essebsi et son parti avaient remportées. Quatre années plus tard, les citoyens ont l'impression de faire du surplace dans la misère, la paupérisation, le renchérissement des prix et la persistance du chômage massif. Le rapport de la Colibe relance Béji Caïd Essebsi, assurément. Cela lui redonne une large marge de manœuvre et le soustrait quelque peu aux luttes de factions et de sérail dignes des pires périodes de fin de règne des derniers mois. Fort du soutien d'une bonne partie de l'opinion et d'un appui international, Béji Caïd Essebsi sait qu'il a les coudées franches, du moins ces jours-ci. Raison pour laquelle il exercera ses prérogatives semble-t-il avec l'entrain de celui qui sait qu'il a des atouts dans sa manche. D'autant plus que le protagoniste d'en face — Ennahdha — ne s'inscrira guère ouvertement contre son action. Mais le mouvement Ennahdha a, lui aussi, plusieurs cordes à son arc. Il a un discours pour la classe politique tunisienne, un discours pour ses bases, un discours pour les pays occidentaux et un discours en Turquie et à l'endroit des Frères musulmans en général. D'où une marge de manœuvre alambiquée où le dit n'est pas l'assumé et la vérité n'est pas l'évidence. Et, bien évidemment, il y a, en toile de fond, les élections législatives et présidentielle de 2019, c'est-à-dire dans quatorze mois, dont six en phases électorale et préélectorale. Le débat sur les propositions de la Colibe annonce-t-il déjà la couleur du clivage à venir ? Tout porte à le croire. Mais d'ici là, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts de la discorde, des alliances et des revirements spectaculaires mais non dits. On connaît déjà la chanson !