Par Youssef Seddik Ezzeddine Gueddiche : psychiatre et citoyen Hier, à Hammamet, dans le cimetière qui bouffe le centre de la ville, j'ai enterré un ami. En accord avec sa famille, j'ai demandé à prononcer ce que nous appelons un éloge funèbre sur fond de ce bruit inimitable de plaques de pierres que le professeur dispose sur le trou. Arrivant directement de la mosquée, où le rituel de la prière du mort a été exécuté, je devais laisser la priorité à cet imam qui devait prononcer le dernier office religieux. Voilà 50 ans au moins que j'accompagnais le défunt dans toutes nos activités communes, le professeur Ezzedine Gueddiche, mondialement reconnu, je l'ai connu lors de la présentation d'un jeune malade parmi les miens. Celui-ci a été interné à l'hôpital Errazi au service du professeur Sleim Ammar sous un diagnostic rapidement établi de schizophrénie. La famille et moi-même, surpris et accablés par ce verdict, cherchions comme un jugement, un appel auprès d'un autre médecin. Le professeur Ezzeddine Gueddiche, après l'avoir à son tour consulté, a jugé qu'il ne s'agissait que d'un borderline — un état limite vers la bouffée délirante —. Il a pris la responsabilité de ce jeune malade dont l'état s'est amélioré à vue d'œil. Il a repris ses études, réussi, trouvé du travail et quelques années plus tard complètement rétabli il a fondé une famille. Ma reconnaissance et celle des miens en ont fait pour toujours un ami et un soutien chaque fois que nous avions un problème se référant à son métier et à son savoir. Nous avons mené avec lui et d'autres confrères et consœurs un réel combat contre la répression asilaire de la maladie mentale dont le journal ‘‘La Presse'' a fait largement écho et le suivi sur ses colonnes de 1979 à 1982. Il était de tous les terrains théoriques et pratiques avec son compère Essedik Jeddi et une véritable pépinière de jeunes médecins formés par leur propre soin, aujourd'hui de véritables dirigeants de ce même combat de la santé publique. Les docteurs Galleli, Oumaya, Ati, Guetari, Mili, Mme Ghachem, Zeribi, Mme Lakhel, Mme Tabben, etc., jusqu'à ces dernières années avant que le méchant mal ne le happe et ne nous le ravisse. Sa vitalité de penseur et de fidèle soignant, de citoyen aussi, n'a jamais cessé de rayonner. La controverse autour de l'un des événements nationaux les plus marquants de l'histoire de la Tunisie contemporaine, la destitution médicale du président Habib Bourguiba le 07.07.1987, continuera à occuper et les esprits et les institutions de recherche. Sa position contestée par le professeur Jeddi, son ami de toujours, a révélé selon mon témoignage amical pour tout le monde : un Ezzedine Gueddiche fidèle à son éthique faite à la fois de précision et d'un lourd fardeau porté comme une croix, fait de doutes, d'autocritique et de cet abandon du grand savant à l'horizon infini d'une recherche toujours recommencée. Paix à son âme, et au nom de tous ses amis, de sa famille, nous nous engageons à ne jamais l'oublier.