« La mort des poissons au Golfe de Gabès est due à la présence en mer de quantités importantes d'algues vénéneuses de type ‘‘Karenia selliformis''». C'est le verdict publié par le ministère de l'Agriculture suite aux analyses effectuées sur les poissons flottants trouvés morts sur les plages de Gabès, le 5 août 2018. Cette affaire a ressuscité la polémique et ravivé la flamme de la colère des habitants contre l'usine du Groupe chimique tunisien (GCT), accusée d'être à l'origine de tous les maux. Le 5 août 2018, d'importantes quantités de poissons morts flottaient sur les eaux marines et étaient rejetés sur les plages de Sidi Abdeslam et de Ghannouch au Golfe de Gabès. Sur les images, on aperçoit la couleur marron d'une mer parsemée de poissons morts, elle qui était le fief de plus de 200 espèces maritimes. L'alerte a été donnée par une association régionale, qui a dénoncé la détérioration de l'environnement et l'accentuation de la pollution de l'air et de la mer de la région. Celle-ci a publié des images affligeantes de poissons morts sur le littoral. Ecœurés et dépités, les habitants à l'instar des marins-pêcheurs ont fortement condamné ces dérives. Au lendemain de ce drame, ces derniers ont accusé les autorités régionales de laxisme et de manque de contrôle et le Groupe chimique tunisien (GCT) d'être le principal responsable de cette catastrophe. Selon les marins-pêcheurs, « un bateau portant des produits importés destinés au GCT aurait laissé échapper de l'ammoniac » et c'est cette matière qui aurait intoxiqué la faune maritime. Les habitants appellent à la fermeture du GCT A vrai dire, les griefs contre le Groupe chimique ne datent pas d'hier. Les habitants ont, depuis des années, dénoncé les activités du groupe qui se sont vu étendre dans la région. En 2017, le gouverneur de Gabès s'était rendu sur place pour des concertations avec les citoyens de Bouchemma qui manifestaient contre la pollution et l'émanation de produits chimiques jugés toxiques de l'usine du GCT. Parmi les revendications des protestataires : la fermeture de cette société qui envenime, selon eux, la vie des citoyens et le dédommagement des agriculteurs et pêcheurs qui ont vu leurs revenus s'amoindrir à cause des dommages engendrés par les produits chimiques. Autre drame qui a été attribué au GCT et qui a touché la région, c'est la mort d'une petite fille et de son frère. Leur maladie, incurable, a semé la zizanie chez les habitants qui ont montré du doigt le Groupe chimique comme seul et unique responsable des tragédies humaines et animales. Dès lors, un militantisme est né par le biais d'une société civile engagée et déterminée à endiguer les dégradations écologiques et mobilisée contre d'éventuelles tragédies. Le mot d'ordre est devenu : la fermeture de la GCT. Le 8 août 2018, le GCT réagit. Il dément fermement les accusations en rappelant que le dernier bateau à avoir quitté Gabès transportant de l'ammoniac date du 25 juin dernier et note, par ailleurs, qu'aucun incident n'a eu lieu lors de son passage en mer. Il est à rappeler que le Groupe chimique dispose de quatre sites répartis sur toute la Tunisie, à Gabès, Sfax, M'dhilla et Skhira et que sa principale mission est la transformation et la valorisation du phosphate, véritable richesse nationale, et ce, par l'implantation d'une industrie locale de production de l'acide phosphorique et des engrais solides. Le groupe assure une forte valeur ajoutée économique à partir du phosphate local et contribue à l'amélioration de la vie sociétale à travers les emplois qu'il génère. Le communiqué ministériel crée de nouvelles polémiques Afin de mettre un terme à cette polémique et restaurer la vérité, le ministère de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche a appelé à ce qu'une enquête soit ouverte. Le 23 août, le verdict est tombé. Le ministère affirme que des algues vénéneuses de type « Karenia Selliformis » sont à l'origine de l'empoisonnement de la faune maritime. Le ministère a précisé que les troubles climatiques récents, à savoir les hausses des températures et les intempéries, ont engendré ce phénomène. Le résultat des analyses n'arrête pas pour autant la polémique. Désirant avoir de plus amples informations sur les faits, nous avons tenté de joindre le ministère de l'Agriculture qui n'a pas répondu à nos appels. Quant au GCT, en proie à des vagues d'accusations, il nous a demandé de rappeler le responsable le lundi. En dépit d'un communiqué publié par le ministère concerné et la réfutation de toute culpabilité de la part du Groupe chimique à Gabès, les autorités demeurent silencieuses face à cette catastrophe écologique qui a frappé la région. En contrepartie, les associations ont mené des campagnes de sensibilisation contre la consommation et l'utilisation des poissons contaminés. « Depuis des années, nous réclamons la fermeture de cette usine. La vie est devenue impossible à Gabès. Ce ne sont pas des algues qui sont à l'origine de ce drame, mais l'ammoniac que fait couler le Groupe chimique. On connaît à présent les symptômes tels que le rougissement au niveau des yeux et la pâleur du corps. Bientôt, le gouvernement ne verra pas que des poissons sur les plages, mais des humains aussi... », clame un des représentants d'une association dans la région, qui a accepté d'interagir suite aux dernières nouvelles.