Chaque coin de ce musée itinérant rappelle qu'il s'agit d'histoires vivantes qui luttent contre l'oubli. Depuis samedi dernier et jusqu'au au 29 septembre à Tunis, l'exposition «Les voix de la mémoire» investit le centre culturel Tahar-Haddad. Construite autour des histoires de femmes victimes, directes ou indirectes, de la dictature, l'exposition est organisée par le Centre international de la justice transitionnelle (ICTJ), l'Université de Birghinham et Museum Lab. Itinérante, elle sillonnera, après Tunis, Le Kef du 20 au 27 octobre, Sfax du 24 novembre au 2 décembre et Redeyef du 15 au 22 décembre. «Vers une récupération de la mémoire collective» est le devoir que s'est assigné cette exposition qui marque par la pertinence de ses œuvres aux expressions artistiques diversifiées. Toutes sont inspirées de l'expérience carcérale de femmes, emprisonnées ou ayant vécu l'emprisonnement de leurs maris ou enfants. Comme objet central et symbolique de ces histoires et de l'exposition, le fameux couffin du prisonnier politique. Les récits autour sont innombrables et doivent être inoubliables, et c'est l'objet de «Les voix de la mémoire». L'une de ces voix est celle de Hasna, dont une triste anecdote qu'elle a vécue a inspiré l'exposition. Emprisonné dans les années 90, le mari de Hasna a été incarcéré dans la prison de Grombalia. Le couple vivait à Kasserine et Hasna devait faire un long voyage pour ramener le couffin à son mari. Une fois, par un malheureux hasard, le couffin s'est renversé et Hasna a perdu tout son contenu. Racontée et écrite lors d'un atelier pour femmes victimes de la dictature, cette histoire qu'elle a intitulée «Le couffin de Hasna» était chargée de toute la douleur qu'elle avait ressentie et elle est devenue tout un symbole, pour la résistance et contre l'oubli. «Raconter cette histoire et la voir se transformer en exposition est important pour dévoiler la vérité et pour la catharsis», nous explique Hasna à propos de «Les voix de la mémoire». Voir l'art se mêler à cette cause est tout aussi important. «"Les voix de la mémoire" est riche de reflets du temps remémorés par les scénographes Marouen et Taïeb Jallouli, par la lumière d'Ahmed Bennys, par des dispositifs immersifs d'Incept, par les créations sonores de WissamZiadi et par un parcours didactique alterné d'œuvres contemporaines réalisées par Wiame Haddad, Salma Wahida, Walid Ardhawi, Abdesslam Ayed, Nabil Saouabi, Lassaâd Ben Sghaier, et NajahZarbout», annoncent les organisateurs. Un groupe d'artistes qui se sont érigés en sculpteurs de la mémoire, pour des œuvres qui interpellent les sens, touchent et incite à la réflexion sur un pan de notre histoire qui commence à peine son processus de guérison. Le tour de l'exposition comprend de la photographie et des installations sonores et visuelles où l'expérience carcérale est décomposée et revisitée à travers l'art. Chaque artiste a repris les témoignages des femmes et les as pétris à sa façon. A travers les dessins des femmes sur les ustensiles de cuisine, leurs témoignages vidéo superposés, ou encore les objets qui les accompagnent dans ce périple, le visiteur est appelé à la connaissance, à l'émotion et à la réflexion. Le volet interactif de l'exposition renforce ces objectifs et incite à l'action. Car «Les voix de la mémoire» nous rappellent à chaque coin de ce musée itinérant qu'il s'agit d'histoires vivantes qui luttent contre l'oubli.