Une exposition mijotée à feu doux, une trentaine d'œuvres de grande facture, des artistes triés sur le volet. C'est Histoire[s], la première exposition collective du Musée Safia-Farhat (Centre des arts vivants de Radès). Une exposition dédiée aux histoires dans un lieu de mémoire... Une exposition où les histoires se conjuguent à l'Histoire et la racontent, mais pas forcément. Une exposition où chaque artiste a apporté un brin de soi ou quelques fragments, un vécu ou une posture pour construire Un pluriel. Pluriel sans être disparate. Une exposition mijotée à feu doux, une trentaine d'œuvres de grande facture, des artistes triés sur le volet. C'est Histoire[s], la première exposition collective du Musée Safia-Farhat (Centre des arts vivants de Radès). Une exposition dédiée aux histoires dans un lieu de mémoire... Le vernissage a eu lieu en grande pompe, dimanche dernier. Un succès. La notoriété de Aicha Filali, responsable du centre et commissaire de l'exposition y est pour beaucoup. Il faut dire qu'elle a mis toutes les chances de son côté pour réussir cet événement. Du cœur surtout. Et la météo d'aider ! Exercice et résultat[s] Convoquer un objet, une image, une personne, un plat, un vêtement, un événement... bref, un morceau d'histoire, personnelle ou collective, et de la donner à voir et de l'investir avec les outils de l'art : c'est à cet exercice que Nadia Jelassi, Jemaiel Imed, Besma Hlel, Aïcha Filali, Emna Ghezaïel, Slim Gomri, Adnene Haj Sassi, Insaf Saada, Abdesslem Ayed, Mohamed Ben Soltane, Mohamed Ben Slama, Marianne Catzaras, Wissem El-Abed, Slimen Elkamel, Halim Karabibene, Sadri Khiari, Nabil Saouabi, Ekram Tira, Najah Zarbout, Nadia Zarrougui, Ahmed Zelfani ont été appelés. Et ils ont bien joué le jeu ! Pourquoi cette thématique ? Pourquoi ces artistes ? «Cette thématique permet aux artistes de placer leur histoire personnelle dans la grande histoire et donc de présenter leurs soucis plastiques du moment émanant de leur vécu. Les artistes choisis ont pour la plupart un lien avec le centre de différentes manières (enseignants, anciens résidents, élèves...). Nous avons tenu aussi à mélanger les genres et les générations», nous explique Aicha Filali. Nous ajouterons, aussi, que ces artistes ont en commun des affinités esthétiques et surtout intellectuelles. Ce qui est intéressant dans cette exposition, c'est que chaque artiste est resté fidèle à son cachet. Chacun a respecté la thématique, sans soumissions ni concessions. Chacun a fait émerger sa sensibilité, mis en valeur son intention artistique, son positionnement et sa posture par rapport à la nébuleuse de l'Art contemporain en toute latitude. Peintures, installations, dessins, photographies, vidéo, moulage, huile sur toile, crayon sur papier, techniques mixtes, stylo à pointe tubulaire sur papier arches, feutres, fils, branchages et feuille d'or, papier et fil de soie sur carton, tronc d'arbre et rétroviseurs... Tout y est. Mais nulle impression d'hétérogénéité, nul effet de bigarrure ou de bariolage malgré la pluralité des genres, des styles, des supports et des techniques. Les coups de cœur? Ils sont nombreux, et on aurait même du mal à s'en tenir à quelques-uns tellement les œuvres d'art visuelles présentées dans cette exposition sont d'une grande qualité plastique, soutenues surtout par des soubassements théoriques et des préoccupations artistiques bien distingués. Histoire[s] et espace[s]... Nous connaissions déjà le Musée Safia-Farhat —inauguré en 2016— et son grand potentiel : belle hauteur sous plafond, éclairage naturel et artificiel parfait, beaux volumes, demi-cloisons intelligentes, ceci sans parler du grand espace extérieur avec son jardin. Autant de paramètres qui ont mis en valeur les tapisseries monumentales et les dessins de feu Safia Farhat. Mais il a fallu l'organisation de cette exposition collective pour «mettre à l'épreuve» cet espace. Le résultat est bien loin de ce que nous pouvions imaginer. Ce musée étatique, qui se transforme en un lieu d'expositions temporaires, fera certainement de l'ombre même aux galeries les plus réputées de la banlieue nord de Tunis. Pour cela, il n'y a aucun doute ! Il offre en effet des cimaises avec des caractéristiques qu'on ne retrouve nulle part ailleurs, ce qui facilite la mise en espace des œuvres. Chacune de ces dernières est «intronisée», entourée d'un vide essentiel pour son appréhension et pour son appréciation(ou non). Ici, chaque œuvre, est L'Œuvre. Habitués à des lieux assez étriqués pour ce genre d'événements avec des tableaux, des sculptures ou des installations souvent côte-à-côte, le ressenti corporel de l'œuvre d'art se trouve ici différent, dans le bon sens du terme, bien entendu, ce qui en donne une perception tout à fait singulière. Si Jean Schuster a affirmé que «ce sont les regardeurs qui font le tableau», ici, nous pouvons affirmer aussi que c'est le lieu d'exposition qui le fait aussi. Trois espaces s'entrecroisent : celui du musée, celui de l'œuvre et celui du corps du spectateur-récepteur. Pour terminer... Premier coup réussi alors pour la première exposition collective du Musée Safia-Farhat. Ça ne présage que du bon pour la suite. Une exposition d'où l'on sort, comme par magie, avec une bouffée d'optimisme. L'optimisme dans son sens le plus voltairien : la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal. Celles et ceux qui ont manqué au vernissage ont raté le délicieux Bourzguène keffois, mais les œuvres, elles, restent sur les cimaises jusqu'au 1er mai 2018. Histoire[s] est l'une des expositions phares de la saison artistique. À ne rater sous aucun prétexte !