«Réveille-toi» sont les mots qui ouvrent le film, mots d'une mère adressés à son fils, Donovan, devenu invalide après avoir été touché d'une balle dans le dos. Elle le secoue encore et encore, le porte à bout de bras vers la salle de bains... Donovan vient de tenter une nouvelle fois de se suicider. La caméra n'arrête pas de filmer durant quelques minutes. Un plan séquence comme dans un reportage télé qui restitue la voix de Shirley Adams ,essoufflée par la peur et l'effort. Sans argent, sans travail, abandonnée de son mari, cette mère, Shirley Adams, se consacre entièrement mais difficilement à son fils. L'aide sociale ne fonctionne plus et les pharmacies ne font plus crédit. Quelques amis, ici et là, l'aident, mais leur situation n'est pas brillante non plus. Shirley en est réduite à chaparder dans les boutiques du voisinage. Oliver Hermanus ne plante pas sa caméra sur la violence de la rue et des ghettos des quartiers chauds de l'Afrique du sud, mais plutôt sur l'autre facette de la guerre des gangs, ce que ne disent ou ne montrent jamais les films de gangsters, encore moins les journaux et les infos tétévisés. C'est la vie d'hommes et de femmes, de jeunes laissés-pour-compte. Sans fausse gloire ou exaltation de la course aux petits ou grands trafics. C'est aussi la misère d'une mère qui tente de se raccrocher au rare bonheur que procure le sourire d'un fils blessé à mort pour lui redonner le moral, quasi impossible, et lui faire accepter son sort et son handicap. Ce premier long métrage nous fait sentir, presque physiquement, la gravité des clivages raciaux, du dénuement matériel et moral et de la violence de la société sud-africaine. En même temps, sans donner aucune leçon, il rend compte à travers cette relation entre la mère et son enfant de toute l'atmosphère de violence. Dans ces moments de profonde dépression, se dégage du regard de Donovan la réalité de son intimité régulièrement «violée» par les soins d'une mère attentionnée, qui doit subvenir aux moindres besoins d'un fils entièrement dépendant… Usant de plans rapprochés, et de la caméra portée qui suit la mère, presque toujours de dos, dans les gestes du quotidien, Hermanus s'inscrit dans un réalisme presque classique. Dès le début, la caméra vibre, s'affole. C'est une tentative de suicide. Puis, un plan apaisé montre le regard désespéré de l'adolescent muré dans le silence : dès les premières scènes, le film se place sous le spectre d'une violence sourde. En toile de fond, la violence de ces quartiers déshérités. La question raciale et celle de l'inégalité des chances est aussi présente, mais en filigrane, sans afficher une quelconque confrontation. Juste à travers la présence d'une jeune, une physiothérapeute ( blanche) qui, pour sortir Donovan de sa dépression, essaye de le distraire en lui montrant ses photos de vacances avec son père et son amoureux : tout ce qui manque à Donovan. On pouvait s'attendre à voir un "mélo" plombant et larmoyant. Shirley Adams évite cet écueil avec sobriété et reste loin des clichés misérabilistes. Le cinéaste Oliver Hermanus réussit, à travers ce film dur et éprouvant, sensible et dépouillé, à rendre toute l'humanité d'une femme, d'une mère courage. La sobriété de la réalisation, le talent de l'actrice, transfigurent ce drame familial en une très belle et émouvante histoire d'amour. Une réalisation tout en retenue et le grand talent d'une actrice font de Shirley Adams une histoire d'amour et de tolérance.