Un pour tous, tous pour un ! Tel pourrait être le slogan de la plate-forme Afrique-arabe pour la réduction des risques de catastrophes qui a élargi les parties prenantes au-delà des Etats, vers la société civile, bénévoles, femmes, enfants et jeunes, personnes handicapées, personnes âgées, institutions et réseaux universitaires, entreprises et associations professionnelles, financières, fondations philanthropiques, médias… Dr Abderrazzek Bouchahla (expert-consultant tunisien) et Pr Abdou Sané (conseiller et environnementaliste sénégalais) nous expliquent pourquoi. Après la catastrophe qui vient de frapper le gouvernorat de Nabeul, les Tunisiens se sont éveillés sur une réalité dure et amère : celle de notre impuissance face à la nature, caractérisée par la faiblesse des infrastructures, l'inefficacité des systèmes d'avertissement, la mauvaise coordination, les retards des interventions… Et il est désormais évident pour chaque tunisien que notre pays doit travailler très sérieusement à colmater toutes ces brèches. Mais comment ? Une grande partie de la réponse vient d'être donnée par les travaux de la Plate-forme Afrique-Arabe sur la réduction des risques de catastrophes naturelles que Tunis accueille pour cinq jours jusqu'au 13 octobre. L'Etat n'est pas le seul responsable «Après la catastrophe de Nabeul, nous commençons à nous rendre compte que le monde a vraiment changé et toutes les municipalités et les localités ainsi que les personnes doivent apprendre qu'elles sont toutes responsables dans la gestion des risques de catastrophes naturelles et ce qu'elles impliquent pour notre sécurité», nous confie Dr Abderrazzek Bouchahla, expert-consultant tunisien en développement durable, santé, sécurité et qualité de vie. Dr Bouchahla nous parle de l'étendue des parties prenantes dans ce sens. Et c'est là que cela devient intéressant car si la responsabilité générale de réduire les risques de catastrophes incombe aux Etats, elle est aussi partagée par les parties non-étatiques. Il s'agit, selon les termes du cadre de Sendai, de société civile, de bénévoles, de femmes dont la participation est cruciale, des enfants et des jeunes qui sont les moteurs du changement, des personnes handicapées pour des plans tenant compte de leurs besoins, des personnes âgées dont la sagesse est un atout capital, des institutions et réseaux universitaires pour l'élaboration des scénarios, des entreprises et des associations professionnelles, financières, fondations philanthropiques… Il est particulièrement recommandé d'impliquer les médias qui jouent un rôle actif et représentatif aux niveaux local, national, régional et mondial dans l'effort de sensibilisation et d'information du public et qui diffusent des infos sur les risques, les aléas et les catastrophes de manière simple, facile à comprendre, transparente et accessible pour tous. Pour nous donner un exemple de ce que veut dire l'implication de ces parties «non-conventionnelles», Dr Bouchahla nous cite une expérience qui a été menée à Monastir avec l'aide de la coopération allemande : «Ils ont développé une carte numérique de gestion des risques des catastrophes et c'est de cette manière qu'ils sont aujourd'hui capables d'anticiper les choses et d'être là où il faut au moment où il faut pour être efficaces. C'est le principe de la défense civile et c'est de la sorte que nous devons désormais réfléchir en Tunisie». 60% des recommandations sont ignorées Le manque de gouvernance des catastrophes n'est pas seulement un fait avéré en Tunisie. La nonchalance ambiante et le manque d'anticipation sont également la règle dans les pays arabes et africains : «Malgré les efforts notés, force est de reconnaître que l'essentiel de ce qu'implique la Plateforme Afrique-Arabe sur la réduction des risques de catastrophes n'a pas été fait. Plus de 60% des recommandations n'ont pas été mises en œuvre. C'est un problème africain généralisé», atteste Pr Abdou Sané, député et élu local sénégalais, conseiller et environnementaliste. «Pour renverser la vapeur, il nous faut une société civile très forte, capable de plaider auprès des Etats africains et de les appeler à faire face à leurs engagements», commente-t-il. Rappelons que les plateformes et conférences régionales dans les régions Afrique et Etats arabes ont débuté sous le Cadre d'Action de Hyōgo 2005-2015 : en plus des discussions techniques, les plateformes ont offert aux gouvernements et aux parties prenantes des deux régions une occasion unique de réaffirmer leur engagement à réduire les pertes liées aux catastrophes par la mise en œuvre du Cadre d‘Action de Hyōgo (CAH). Les plateformes servent de forum pour échanger des expériences sur les pratiques exemplaires dans la RRC ainsi que les approches innovantes. L'objectif de la Plateforme Afrique-Arabe sur la réduction des risques de catastrophes est de faire le point sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre du cadre de Sendai et des stratégies régionales de réduction des risques de catastrophe et de réaffirmer l'engagement politique pour sa mise en œuvre. Quatre actions sont prioritaires : primo, comprendre les risques de catastrophes, secundo, renforcer la gouvernance des risques de catastrophe pour mieux les gérer, tertio, investir dans la réduction de risques de catastrophe aux fins de la résilience et, enfin, renforcer l'état de préparation aux catastrophes pour intervenir de manière efficace et pour «mieux construire» durant la phase de relèvement, de remise en état et de reconstruction.