Dans ce cas d'alerte maximum et de niveau de maîtrise admirable, les responsables ne se réunissent pas pour décider quoi faire, au moment où la neige tombe et que les routes sont déjà coupées Depuis hier, la météo annonce une forte baisse de la température. Les prévisions de l'Institut national de météorologie ne sont pas aussi alarmantes que lors de la dernière vague de froid de fin décembre-début janvier; mais c'est machinal, désormais à chaque alerte froid, on se crispe. Pourquoi ? Parce que la gestion de la dernière crise a été très en deçà des attentes. Malgré le matraquage des médias d'un côté et les messages officiels réconfortants de l'autre, faisant état d'un niveau de maîtrise élevé. Eh bien, ceux qui devaient fatalement avoir froid ont eu froid, et faim, et sont restés dans l'obscurité pour certains cas 48 heures d'affilée. Ce sont notamment les habitants de certaines localités du Nord-Ouest qui ont été le plus frappés par ce climat inclément et par le sort, encore une fois. Deuxième constat, ce n'est pas la bonne volonté des autorités qui a fait défaut. Les responsables se sont mobilisés, ils ont tentés de regrouper dans des édifices publics les familles les plus vulnérables, de dépêcher les agents pour rétablir l'électricité et l'eau, et déneiger les routes. Malheureusement, les efforts ont été cruellement insuffisants et le degré de réactivité très mitigé. Résultat: routes coupées, régions isolées, des familles en rupture de stock de nourriture et d'équipements pour se réchauffer. Les Tunisiens, ceux ayant une capacité d'endurance limitée comme les enfants et les personnes âgées ont été exposés à des situations qui les dépassent. Eu égard aux cris de détresse envoyés par les citoyens par les radios surtout, les choses ont viré carrément au drame. Les grands plans Ce qui a manqué dans la gestion de cette dernière catastrophe, visiblement, c'est la coordination entre les services et les ressources humaines concernées ainsi que les mesures préventives. La Tunisie au vingt et unième siècle, du moins c'est l'impression que le pays donne, n'a pas recours aux plans transversaux. Ces stratégies établies à l'avance, impliquant plusieurs départements et dans lesquelles le niveau de coordination est à son maximum. Le monde entier, sinon les pays qui respectent leur population, ont adopté depuis longtemps des politiques qui se fondent sur des plans, dans tous les secteurs importants, tels que la sécurité, la santé, les catastrophes naturelles. Des mécanismes identifiés par des alertes colorées ou nominatives pour certains pays : alerte orange, alerte rouge; alerte épidémie; plan vigipirate, alerte attentat... Lorsqu'une catastrophe s'abat sur le pays, et qu'une alerte de tel type est décrétée, X sait qu'il doit regagner son poste, Y aussi, que telle ambulance doit être mobilisée, tel hôpital doit être prêt, des déneigeuses, des stocks de nourritures, des permanences des services sensibles. Ce sont des plans à échelle nationale préparés à l'avance dans le moindre détail, et gare à celui qui ne regagne pas son poste, et gare au service qui ne s'acquitte pas de la tâche qui lui incombe. Les défaillants, de même que les failles du système sont aussitôt repérés. Dans ce cas d'alerte maximum et de niveau de maîtrise admirable, les responsables ne se réunissent pas pour décider quoi faire, au moment où la neige tombe et que les routes sont déjà coupées. Ce ne sont pas les plans qui manquent Et pourtant ! Un document publié par le ministère de l'Equipement, en collaboration avec le bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes, RRC, et la Direction générale de l'environnement et de la qualité de la vie — oui nous avons une direction qui s'occupe de notre qualité de vie— fait état d'un atelier de travail organisé les 27 et 28 novembre 2013, dont le thème est justement : réduction des risques de catastrophes en Tunisie. Des recommandations y ont été émises, dont la première consiste à «améliorer les mécanismes de gouvernance et de responsabilisation de la Réduction des risques de catastrophes en Tunisie par la mise en place d'un mécanisme national de coordination en adoptant une approche multi-partie-prenante». Pour ce faire des ministères comme les Finances, l'Equipement, et le Plan... devaient s'impliquer. Le but étant que le niveau de décision soit le plus haut pour faire intégrer la RRC dans les politiques de développement ! L'objectif ultime dans la mise en place de cette stratégie est de dépasser les réponses classiques « de soutien par temps d'urgence pour aller vers une réelle politique de réduction des risques, avec tout ce qu'elle comporte comme mesures préventives ». Ainsi, sur la paperasse, en théorie, tout est planifié. Quant à la pratique, c'est bien une autre histoire. Le froid associé à la chute de neige n'a duré que quelques jours dans notre pays, mais l'étendue des dégâts laisse supposer des failles à tous les niveaux de planification, de gestion, et d'exécution. Dans ce genre de cas, alors, où l'échec est patent et consommé, il ne faudra plus montrer aux caméras des gamins en classe, tout sourire, venant de recevoir en cadeaux des couettes envoyées par un pays ami, ni un enfant à qui on chausse une paire de bottes offerte par une association. Parce qu'en arriver à ce niveau d'indigence, ce n'est ni plus ni moins qu'un déficit de l'Etat. Montrer cela dans les JT de 20H, il n'y a pas de quoi être fier.