La réflexion continue sur le métier de critique et son rôle dans un contexte contemporain, et sur la meilleure formule pour en parler. La 8e édition du festival du film arabe de Malmö a également été la troisième édition de son programme «Critiques sans frontières». Depuis 2015, une rencontre est, en effet, organisée au sein du festival entre critiques du monde arabe et critiques venus de pays scandinaves. Après l'Egypte l'année dernière, le Maghreb a été l'invité de cette année. Avec la coordination de la fédération tunisienne des ciné-clubs, des critiques et journalistes de cinéma de Tunisie, d'Algérie et du Maroc se sont assis à la même table que des confrères de Suède, Danemark, Finlande, Norvège et Islande. Modérées par le critique égyptien Ahmed Shawki, les sessions ont tourné autour de questions en rapport avec l'exercice de la critique et son avenir, chaque thématique étant discutée des points de vue croisés de maghrébins et de scandinaves. «Avantages et obstacles du travail du critique dans le monde contemporain», «Rôles du critique», «Censure, démocratisation et stéréotypes», «futur de la critique à l'ère des nouveaux médias et des changements politiques» sont autant de thématiques sur lesquelles les participants sont intervenus et ont débattu, dans un échange d'expériences instructif. Si les points de vue et les parcours peuvent diverger, les participants ont souligné ensemble la fragilité de ce «métier» qui a même du mal à s'imposer en tant que tel. Les défis de la spécialisation et de la reconnaissance font évoluer les critiques de cinéma dans les contextes difficiles, depuis les médias pour lesquels ils écrivent, en passant par les conflits avec les professionnels du cinéma qui vont jusqu'à nier leur existence, arrivant au vide qui les sépare du public, sur lequel ils ont généralement peu d'influence. S'ajoutent à cela les réalités changeantes de nos pays respectifs, et la rapidité avec laquelle la technologie évolue, obligeant les critiques à une perpétuelle remise en question. Pour apporter un point de vue extérieur, deux master classes ont été prévues dans le programme de «critiques sans frontières». La première a été donnée par le critique de cinéma libanais Ibrahim El Ariss qui a survolé l'histoire et les défis de la critique et du cinéma dans le monde arabe. Dans le contexte actuel, pense-t-il, il faut écrire pour se faire plaisir, «écrire sur l'écriture» et considérer un texte de critique comme une production artistique en soi. Pour accompagner ce qui se fait en cinéma dans le monde arabe, il conseille les critiques de ne pas se contenter d'écrire sur les films d'auteur, mais aussi d'étudier les films les plus proches du public, du point de vue de la sociologie du cinéma. Le réalisateur marocain Hassan Benjelloun a donné la seconde master classe où il a parlé de son rapport avec les critiques de cinéma, semé de conflits et d'anecdotes. Il s'est étalé sur la difficulté de faire des films et sur les défis rencontrés par les réalisateurs, qui doivent selon lui être pris en compte par les critiques. Dans ce sens, la question du contexte a été celle qui est revenue le plus dans les débats de «Critiques sans frontières» et qui semble être la plus déterminante. Réagir face à un contexte dans lequel on évolue présentement et avec lequel l'on n'a pas assez de recul peut en effet porter à perplexité. Une perplexité partagée avec les organisateurs du festival du film arabe de Malmö qui cherchent depuis trois ans une formule plus efficiente pour leurs rencontres entre critiques. Ce programme sera totalement différent l'année prochaine, nous informent-ils. A suivre !