Cette disparition subite est un terrible coup pour tous. Ses proches, on imagine bien : pour ses compagnes, ancienne et présente, restées exemplairement au contact, pour ses enfants et ses petits-enfants auxquels il ne refusait jamais rien, pour ses nombreux amis, de Lafayette, de Tunis, de partout dans le pays. Pour son public surtout, l'immense public d'admirateurs, d'inconditionnels de la chanson de patrimoine, dont il fut l'interprète «exclusif», fidèle des fidèles, une carrière durant. A l'aube, hier, Kacem Kéfi s'en est allé. La mort nous est écrite, mais celle-là a pris tout le monde de court. Que l'on sache, nous, «Kassouma» menait son existence habituelle, ne se plaignait de rien. Le matin au quartier Lafayette, la sieste de toujours, et puis le soir, comme depuis plus d'un demi-siècle maintenant, la longue nuit de galas. Cette disparition subite est un terrible coup pour tous. Ses proches, on imagine bien : pour ses compagnes, ancienne et présente, restées exemplairement au contact, pour ses enfants et ses petits-enfants auxquels il ne refusait jamais rien, pour ses nombreux amis, de Lafayette, de Tunis, de partout dans le pays. Pour son public surtout, l'immense public d'admirateurs, d'inconditionnels de la chanson de patrimoine, dont il fut l'interprète «exclusif», fidèle des fidèles, une carrière durant. Que raconter de l'Artiste ? Du chanteur d'abord. Un maître et un inimitable talent. La maîtrise s'est forgée tôt à Sfax auprès d'icônes du répertoire populaire soufi, dont le grand Boudeya. On apprend de Boudeya et du chant soufi une chose : la justesse. Elle ne le quittera jamais. Kacem en aura été fier toute sa vie. Ses collègues de la Rtt, ceux d'aujourd'hui, l'affublaient du même qualificatif : «diapason !». D'aucuns rappellent que «sa voix régulait jusqu'aux instruments». Reste le timbre, ce qui le caractérisait le mieux, ce qui le distinguait des anciens comme des nouveaux : ce timbre voilé, qui couvrit, avec l'âge, pratiquement tout son chant, mais qui ne s'est jamais départi de sa beauté, de sa sensibilité, de son goût. Du compositeur, ensuite, on rapportera ce que tout le monde sait : les grands succès de «folklore», morceaux de patrimoine qui faisaient vibrer les foules, dont elles se délectaient immanquablement. Des mélodies lancinantes, langoureuses : «Ya Salah», «Ya nana» et d'autres. Lui seul savait les restituer. Rappel nécessaire, aussi, à ce que l'on en sait moins. Kacem Kéfi a adapté et composé pour lui-même, mais il a été, encore, le compositeur de quasiment nos meilleures voix. De Najet Attia, Alya Belaïd, Soulef, Hajji, Safoua, et l'on en oublie sûrement. Autre aspect méconnu : le don magistral du chanteur «folk» pour le charqui. Kacem était un mélomane, émule des géants du siècle sonore. Il fut, surtout même, lors de soirées intimes, un fort habile interprète de Abdelwahab, Brahim Hammouda, Salah Abd Elhay et Abdel Mottaleb. Un artiste complet, racé, Kacem Kéfi, et une fine ouïe. Nous voilà privés de ses rencontres, si riches d'écoute et d'enseignements.Nous voilà, surtout, les habitués de Lafayette, privés de l'ami, du compagnon sincère et joyeux qui rendait,toujours, plus belle la vie. Dieu te bénisse, Kacem, tu manqueras à l'art, tu nous manqueras tant.