Ons Jabeur en huitième de finale du tournoi de Madrid    Le Front de salut organise une manifestation    Décès de Kamel Sammari    Le "gentil rappel" de Kaïs Saied au ministre italien de la Culture    Vers un avenir durable au Maroc : OCP mobilise 2 milliards de dollars pour son virage écologique    Agriculture bio et agroalimentaire : Une filière à valoriser    Les préparatifs battent leur plein pour accueillir les TRE : La diaspora apporte une bouffée d'oxygène à la croissance économique nationale    En vidéo : Sihem Ben Abdessamad présente le Challenge Startupper de l'Année par TotalEnergies    Miss Buenos Aires 2024 : Une femme de 60 ans brise les barrières de l'âge    Nabil Ammar à la 11e session de la Commission Mixte Tuniso-camerounaise à Yaoundé : Renforcer davantage les liens d'amitié et de coopération    Libération des employés de la société de Fouledh à Bizerte    La Fédération des postes déclare une journée de protestation    Endettement public : La Tunisie déterminée à honorer ses engagements en comptant sur ses propres ressources    Pommes de Terre : L'UTAP sonne l'alarme face au déséquilibre du marché    Prochain sommet Tunisie-Afrique-Corée à Séoul : Des perspectives prometteuses déclarées, en attendant la concrétisation !    Signature d'un accord de coopération entre la Tunisie et le Bahreïn    Gianni Infantino félicite l'EST pour sa qualification à la coupe du monde des clubs 2025    Ligue des champions | Demi-finale retour-Sundowns-EST (0-1) : A force d'y croire !    Après sa qualification, 7 millions de dinars pour l'EST    Valeurs et respect mutuels    UBCI: Un dividende de 1,250 dinar par action    Esquisse : Mohamed Tiouiri, de grottes en gouffres    Pourquoi | L'Internet et ses caprices    Arrêt sur image | Enjamber une vitre cassée pour entrer dans le métro !    La Tunisie lance l'identité numérique sur mobile    Au musée de la monnaie : La monnaie tunisienne à travers l'histoire    ECHOS DE LA FILT – Pavillon de l'Italie : Rencontre avec Pierfranco Bruni    Signature du livre de Neila Gharbi, ce samedi à l'FILT : Replonger dans «Vision plus»    ST : Un tournant à venir    ESM : Des soucis en défense    Climatologie: Un mois de Mars chaud et sec    Le président français Macron propose un bouclier antimissile européen    L'Allemagne face à ses contradictions diplomatiques : Débat sur Gaza annulé et manifestations réprimées    Météo: Températures en légère hausse    Manifestations étudiantes aux Etats-Unis : un tournant pour l'alliance avec Israël ?    Une première rencontre au sommet entre la Chine et les Etats-Unis sur l'intelligence artificielle    Menace sur l'intégration : l'extrême droite allemande et ses plans contre les immigrés    CAF CL : Sundowns – Espérance, match interrompu par la pluie !    Malgré les restrictions sionistes : 45 000 Palestiniens assistent à la prière du vendredi à Al-Aqsa    Omar El Ouaer Trio et Alia Sellami au Goethe Institut Tunis pour célébrer la journée internationale du Jazz    Ons Jabeur affronte Leilah Fernandez en 16e de finale du tournoi WTA 1000 Madrid    Sousse - L'Institut français de Tunisie inaugure un nouvel espace dédié à la jeunesse et à la coopération    Hédi Timoumi : certains donnent des cours d'histoire sans l'avoir jamais étudiée    Journée internationale de la danse : Le Théâtre de l'opéra de Tunis organise la manifestation "Danse pour Tous"    L'Office des phosphates marocain lève 2 milliards USD sur les marchés internationaux    Kenizé Mourad au Palais Nejma Ezzahra à Sidi Bou Said : «Le Parfum de notre Terre» ou le roman boycotté    Safi Said poursuivi suite à son projet pour Djerba    Hospitalisation du roi d'Arabie saoudite    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«La Chine est intéressée par la dimension méditerranéenne de la Tunisie»
Mohamed Sahbi Basly, président de l'Organisation Méditerranéenne de la Route de la Soie (OMRS) :
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 11 - 2018


Entretien conduit par Karim Ben Said
En dépit des très bonnes relations qu'entretiennent la Tunisie et la Chine, les échanges entre le deux pays restent en deçà de ce que souhaiterait la Chine, qui voudrait que des pays aussi importants que la Tunisie adhèrent au projet porté par le président Xi Jinping, celui de la Route de la Soie. Dans cet entretien que nous a accordé Dr Mohamed Sahbi Basly, président de l'Organisation méditerranéenne de la Route de la Soie (Omrs), ce convaincu de la Chine nous explique les raisons pour lesquelles il ne faut pas avoir peur d'une domination chinoise. Il livre également des détails inédits autour des relations entre les deux pays, notamment le fait que la Chine est restée reconnaissante à la Tunisie, pour son vote décisif en faveur de l'accession de celle-ci au Conseil de Sécurité des Nations unies. Dr Basly nous confie également que la Chine a soutenu la transition démocratique en Tunisie, qu'elle n'a pas hésité à le rappeler lors de la visite du chef du gouvernement, M. Youssef Chahed, en Chine au mois de septembre dernier, visite que Dr Basly qualifie de fort prometteuse constituant un tournant décisif dans les relations entre les deux pays.
Quel est, pour la Tunisie, l'intérêt de booster la coopération avec la Chine ?
L'intérêt de la Chine pour la Tunisie est minime par rapport à l'intérêt que la Tunisie devrait porter pour ce géant asiatique.
La Chine est en passe de devenir la première force économique à l'horizon 2025.
Le centre de gravité de l'économie mondiale s'est déplacé de l'Europe et des Etats-Unis vers l'Asie, où la Chine occupe une place prépondérante. Le yuan chinois existe aujourd'hui dans toutes les places financières du monde et fait partie du panier de devises de réserves à la Banque mondiale. Près de 30% du taux de croissance mondiale est fourni par la Chine. Avec son positionnement géostratégique en Asie, sa puissance financière et économique et étant le premier commerçant du monde, on ne peut que la respecter et collaborer avec elle. Tous les pays qui souhaitent améliorer leur croissance économique doivent coopérer avec la Chine. Si le monde entier a accusé un déficit commercial avec la Chine, y compris l'UE, cela n'est pas un hasard, mais en même temps ces pays souhaitent que la Chine maintienne son taux de croissance autour de 6%, pour soutenir l'économie mondiale, car si le taux de croissance économique de la Chine baissait de 2%, la croissance de l'UE par exemple diminuerait de 1,2%, ce qui serait catastrophique pour l'Europe, premier partenaire économique de la Chine.
La Tunisie accuse un retard navrant avec la Chine pour des considérations qui n'ont pas lieu d'être. Même si certaines voix intrinsèques ou extrinsèques, probablement d'origine occidentale, peuvent voir d'un mauvais œil une collaboration étroite avec ce géant asiatique, on ne peut que reprocher à ces mêmes sources leur engouement certain de coopérer avec ce même partenaire asiatique.
Cependant, la Chine a essuyé quelques échecs, notamment dans le cadre du forum sino-africain ou sino-arabe, en raison de la méconnaissance de l'environnement politique et celui des affaires en Afrique et dans le monde arabe. Cette méconnaissance s'est manifestée notamment lorsqu'il s'agit de projets régionaux. Il y a également, il faut l'avouer l'interférence des multinationales occidentales qui œuvrent à limiter l'influence de la Chine dans le continent. Ont-ils réussi...? C'est l'avenir qui nous le dira.
Je crois que le monde multipolaire que la Chine, la Russie et d'autres nouveaux acteurs mondiaux, comme l'Inde, le Brésil ou l'Afrique du Sud, préconisent, est salvateur pour l'équilibre du monde et pour la paix mondiale.
Pendant une cinquantaine d'années, nous nous sommes accommodés d'un ordre mondial occidental, il est grand temps qu'un nouvel ordre multipolaire voie le jour avec une composante asiatique, africaine et latino-américaine qui s'ajoute à la dimension occidentale existante. Ce qui est de nature à garantir une répartition plus équitable des forces en présence et des richesses garantes de plus de paix et davantage de solidarité à l'échelle planétaire .
La Tunisie a-t-elle eu tort de s'accrocher à ses partenaires traditionnels, en allant par exemple négocier l'Aleca sans forcément explorer d'autres pistes ?
Je vais être clair. Notre partenaire stratégique c'est l'Union européenne, et la négociation sur l'Aleca est favorable et même nécessaire à la Tunisie. Cet accord s'inscrit dans la continuité de l'accord d'association de 1995. C'est l'histoire et la géographie qui nous dictent cette orientation stratégique, et cela n'est en aucun cas en contradiction avec un partenariat asiatique ou autre qui nous permettra de diminuer les risques de tensions qui existent désormais entre les deux rives de la Méditerranée, avec son cortège de terrorisme et d'émigration illégale. Si nous parvenons à résoudre ces problèmes avec d'autres partenaires que l'Europe, ou bien en association avec celle-ci, ces mêmes pays européens viendront nous féliciter pour l'effort entrepris.
Vous n'êtes pas sans savoir que la Chine est en concurrence avec d'autres puissances, comment la Tunisie peut-elle tirer profit d'une coopération avec la Chine sans froisser ses partenaires stratégiques et traditionnels ?
C'est une idée reçue, la Chine et les Etats-Unis ne sont pas des pays concurrents. Il est établi que les intérêts de la Chine et ceux des Etats-Unis convergent au niveau économique. Il ne faut pas s'attarder beaucoup sur les déclarations du président américain en matière de "commerce". Il faut voir ce que font les Chinois en matière d'investissements avec l'UE et les Etats-Unis. La Chine participe au fonds stratégique de l'UE, elle contribue avec un pourcentage très important à la BAD. L'UE a besoin de l'argent chinois et les Etats-Unis encore plus. Il y a aujourd'hui une grande vague de décideurs en Europe, qui souhaitent composer avec la Chine pour aller vers l'Afrique, vers le Moyen-Orient et vers l'Amérique latine.
La Tunisie est bien placée pour jouer ce rôle d'intermédiaire entre l'Europe, la Méditerranée et la Chine. J'entends certains parler du rôle de la Tunisie pour aider la Chine à aller en profondeur en Afrique. A mon avis, c'est une piste qui n'est pas bancable. La Chine a choisi le Maroc et l'Afrique du Sud pour aller en Afrique, elle ne choisira pas un troisième partenaire. Par contre, nous sommes les seuls vrais Méditerranéens, et nous pouvons être pour la Chine une porte vers l'Europe, vers le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord et peut-être bien quelques pays subsahariens francophones, sans plus. Ce que nous devons vendre à la Chine, c'est notre dimension méditerranéenne, et c'est notre vocation primordiale.
Selon vous, la Tunisie gagnerait combien de points de croissance si elle mettait tout en œuvre pour booster la collaboration avec la Chine ?
La Tunisie pourrait gagner immédiatement 3 points de croissance, si elle s'engageait réellement avec la Chine dans le cadre d'un partenariat gagnant-gagnant. La Chine est prête à investir notamment dans l'infrastructure et le secteur des énergies renouvelables. Cependant, il faut que la Tunisie se mette au diapason de la Chine, et non le contraire; il faut comprendre la culture chinoise et savoir composer avec la Chine. Le tourisme par exemple est un bon créneau pour développer des relations humaines, sociales et économiques entre les deux pays. Jusque-là, 40.000 touristes chinois sont en passe de visiter la Tunisie entre 2018 et 2019, ce n'est pas énorme, mais parmi eux, certains reviennent et parmi eux des gens seraient prêts à faire des affaires en Tunisie. Les Chinois croient beaucoup aux relations humaines, beaucoup plus qu'à l'aspect institutionnel. Les Chinois ne se hasardent jamais en terrain inconnu.
Où en est la coopération tuniso-chinoise ?
Je dois vous dire tout d'abord que les Chinois qui viennent en Tunisie s'y plaisent. Malheureusement, la Tunisie ne se vend pas très bien. Il y a lieu de préciser que l'image de la Tunisie est ternie par le terrorisme. Il faut donc redoubler d'efforts pour améliorer notre image. Je sais que depuis deux ans, il y a des efforts qui sont entrepris avec cette nouvelle classe dirigeante. L'urgence est de combattre le terrorisme, c'est le combat essentiel pour améliorer l'image à l'extérieur. A un niveau bilatéral la Chine et la Tunisie ont toujours eu une coopération exemplaire. Pour preuve, le seul investissement à l'étranger fait par l'Etat tunisien est en Chine. Nous avons en effet créé une usine de fabrication d'engrais chimiques identique à la Siape à Sfax. C'est une usine devenue tuniso-chinoise depuis 2007 qui illustre parfaitement le partenariat tuniso-chinois, construite par des ingénieurs tunisiens, dont le directeur général est tunisien, la main-d'œuvre est chinoise, et le phosphate vient de Tunisie. D'un autre côté, la Chine a toujours soutenu la Tunisie à chaque fois que nous en avions besoin. Il ne faut pas oublier l'aide médicale depuis les années 1970, les médecins chinois qui exercent et qui sont appréciés, dans les coins reculés de la Tunisie, cette coopération est également significative dans le domaine scientifique et culturel également.
Malheureusement, dans la mémoire collective du Tunisien, on ne retient de la Chine que les produits bon marché qui circulent dans les marchés parallèles et autres. Il faut savoir que ces produits à bas prix, les citoyens chinois ne les achètent pas. Le Chinois fabrique ce qu'on lui demande de faire avec le coût que vous exigez, il ne faut donc s'en prendre qu'aux Tunisiens ou autres commanditaires de ces produits et inviter les autorités tunisiennes à être plus vigilantes concernant ces circuits informels.
Près du tiers de notre déficit commercial en USD américains est d'origine chinoise, c'est énorme. Et si on regarde bien la structure de ce déficit avec la Chine, ce n'est pas le commerce parallèle qui occupe la part du lion, par contre, nous achetons beaucoup de biens d'équipement de la Chine malgré les taxes importantes à l'importation qui plombent le commerce bilatéral de produits manufacturés et machineries pourtant très utiles pour notre système de production industrielle. Cette démarche anti économique n'a pas lieu d'exister au sein d'une économie globalisée. Nos usines doivent être en mesure de choisir le meilleur rapport qualité - prix pour être performantes et compétitives cela passe par une égalité face à la taxation des produits à l'importation quelle que soit leur origine. La Chine a mis 30 ans pour cueillir les fruits du transfert technologique venu de l'Occident. C'est à partir des années 1990- 2000 qu'elle a commencé à maitriser la technologie et ce n'est qu'en 2010 qu'elle devient exportatrice de biens d'équipements de haute qualité à travers le monde . En 2005, nous avions un PIB par habitant supérieur à la Chine, aujourd'hui, en moins de 15 ans, la Chine est passée de 1500$ par habitant à 8800 $. Ce sont des chiffres qui doivent nous faire réfléchir. Alors certains vont dire mais si on donne des marchés aux chinois, ils débarqueraient avec des travailleurs chinois et ne créeraient pas des emplois ..? . Il faut que vous sachiez que le coût de la main-d'œuvre chinoise est au moins le double aujourd'hui que celui du Tunisien, et de ce fait, si le Chinois souhaite investir en Tunisie dans un secteur comme l'infrastructure, par exemple il aurait tout intérêt à travailler avec une entreprise tunisienne, cela lui coûterait moins cher. Le fantasme de l'invasion chinoise est de ce fait totalement obsolète.
La Chine avait exprimé sa volonté de recruter des pilotes tunisiens, mais finalement cela ne s'est pas fait. Pourquoi?
C'était, à l'époque, l'initiative du Conseil de coopération tuniso- chinois en 2015, et j'avais pris sur moi de prendre 200 dossiers de jeunes pilotes au chômage que j'ai mis dans ma valise pour Pékin. Les premiers contacts n'étaient pas défavorables, la Chine a besoin de pilotes, elle a d'ailleurs recruté près de 400 pilotes égyptiens grâce à un accord entre les deux pays. Je m'étais cependant rendu compte à l'époque qu'il n'y avait pas de volonté politique de la part des Tunisiens pour mener à bien cette initiative. Ensuite, nous nous sommes heurtés en 2015 à l'inscription de la Tunisie dans la liste des pays liés au terrorisme. Pour les compagnies aériennes chinoises ce fut un motif suffisant et de ce fait elles ne pouvaient pas se permettre d'embaucher n'importe qui, à moins qu'il n'y ait une garantie de l'Etat tunisien. Et enfin aussi, les compagnies aériennes chinoises cherchaient des pilotes formés avec beaucoup d'heures de vol à leur actif. Toujours est-il qu'il y a eu quelques pilotes tunisiens qui ont pu être embauchés depuis .
Je voudrais également signaler que le nombre de Tunisiens qui vivent et travaillent en Chine a été multiplié par trois depuis le 14 janvier 2011,ils sont cadres dans de nombreuses entreprises chinoises et donnent beaucoup de satisfaction .
Vous êtes actuellement le président de l'organisation méditerranéenne de la Route de la Soie est-ce que vous pouvez nous en dire davantage ?
En juillet 2015 a été créé le conseil de coopération tuniso-chinois pour combler un vide de communication entre la Chine et la Tunisie. Ensuite, en 2017 j'ai créé la chambre de commerce tuniso-chinoise, qui a été confiée à M. Tahar Bayahi et qui s'occupe des affaires économiques et commerciales avec d'autres structures existantes déjà notamment au sein de l'Utica. Un effort doit être entrepris — et il est en cours — pour unifier ces structures existantes et constituer un seul interlocuteur vis-à-vis de nos partenaires chinois. Cela permettra au conseil de coopération tuniso-chinois d'agir comme un think tank qui réfléchit sur la manière de positionner la Tunisie dans la stratégie chinoise de la région .
Il y a quelques mois nous avons transformer le conseil de coopération en une organisation méditerranéenne de la Route de la Soie, qui comprend dans son board des personnalités chinoises influentes, mais également des leaders d'opinion venus de pays du bassin méditerranéen à l'instar du
président d'honneur de cette organisation qui n'est autre que M. Miguel Ángel Moratinos, ancien ministre espagnol des Affaires étrangères. N'oublions pas que Valence est la capitale mondiale de la Route de la Soie. Ce que je veux dire c'est qu'il y a une adhésion autour de cette dynamique méditerranéenne de la route de la soie, qui a élu son siège en Tunisie avec un responsable tunisien.
Qu'est-ce que la Route de la Soie ?
L'initiative de la Route de la Soie est communément appelée One Belt, One Road (La route et la ceinture). La route, c'est l'autoroute de la mondialisation. Dans cette autoroute il y a des voitures qui roulent à des vitesses différentes, ce sont les pays à des taux de croissance économiques différents, et comme dans toute autoroute, il y a une ceinture métallique qui balise cette route à grande vitesse pour prévenir les accidents. Cette ceinture c'est la Chine. C'est toute la symbolique de One Belt One Road.
Le monde a besoin de la Chine, car la sécurité et la croissance de l'économie mondiale passent par la Chine.
S'agissant de l'autre appellation du projet de la Route de la Soie, c'est un projet du président Xi Jinping en personne, qu'il a proposé au congrès du Parti communiste chinois, pour qu'il lui confère tous les pouvoirs afin de mettre en œuvre ce programme. C'est également grâce à ce projet de la Route de la Soie et de sa stratégie de lutte contre la corruption que son nom fut inscrit dans la Constitution chinoise, à l'instar de Mao Zedong. La Route de la Soie rappelle dans son référentiel historique l'époque d'or de l'Empire du Milieu et la relation qu'il entretenait avec le monde arabo-musulman, prospère à cette époque médiévale. On échangeait la nourriture, la soie, les épices, etc. Des caravanes partaient de Xi'an vers le Moyen-Orient, vers le désert d'Arabie et puis vers la Méditerranée et l'Europe.
La Chine veut mettre en exergue cette dimension culturelle et historique des échanges, justement pour lever les tabous et les préjugés qui existent entre la Chine et le monde. La Chine reste encore une inconnue pour le commun des mortels . Et pour les plus initiés d'entre nous, on regardait jusque-là ce géant à travers le miroir déformant de l'Europe et les Etats Unis en tête . Il est grand temps de prendre sur nous mêmes de mieux connaître ce partenaire économique et développer un partenariat gagnant-gagnant avec lui .
Sur l'Afrique et le monde arabe il y a effectivement bien de la concurrence, vis à vis des ressources minérales et énergétiques. Il revient à nous de nous positionner avec la Chine sans perdre de vue nos intérêts stratégiques .Au 21ème siècle, l'Afrique est l'espace vital de l'économie mondiale.
Quels sont, de part et d'autre, les actions concrètes à entreprendre pour développer la Route de la Soie?
Lorsque vous essayez de créer une ONG avec des leaders d'opinion chinois et méditerranéen, vous faites quelque chose de très important, c'est le Networking (la mise en réseau). C'est aussi un peu cela la diplomatie économique. Je suis heureux d'avoir été à l'origine de cette diplomatie économique sino-tunisienne. C'est une diplomatie informelle, mais qui est souvent aussi efficace que la diplomatie officielle. Dans tous les cas elle doit la compléter.
La mise en œuvre de cette stratégie dépend de la volonté exprimée par la diplomatie tunisienne qui se doit d'aller en profondeur dans ce contenu culturel , social et économique de la Route de la Soie. En juillet dernier, la Tunisie a exprimé son souhait d'intégrer cette initiative à l'occasion d'un forum Chine-Monde Arabe. Cette annonce n'a toutefois pas été faite de manière bilatérale. En mai 2017, lors du premier Sommet de la Route de la Soie, il n'y avait aucun représentant du gouvernement tunisien. Toutefois ce premier pas effectué par notre diplomatie, s'est concrétisé par la visite récente du Chef de Gouvernement en Chine, qui s'est soldée par des projets concrets.
En fait, pour la Chine c'est extrêmement clair, ce ne sont pas eux qui vont voir les pays pour les convaincre du projet de la Route de la Soie. Ce sont les pays qui doivent faire part de leur souhait de faire partie de ce projet. La Tunisie, avec sa dimension méditerranéenne, intéresse la Chine. Le programme de la Route de la Soie est basé sur la connectivité. Les Chinois veulent construire des routes, des aéroports et des chemins ferrés. Si je prends l'exemple de la zone économique de Zarzis, à laquelle notre Conseil a contribué depuis 2015 pour faire aboutir les négociations avec les Chinois, ceux-ci ne prendront au sérieux ce projet pour intéresser des entreprises chinoises à s'installer dans ladite zone qu'à condition que :
- la main-d'œuvre soit de bonne qualité et compétitive, ce qui est largement possible en Tunisie.
- les avantages fiscaux, d'une part, et l'environnement du milieu du travail et les tracasseries administratives soient réduites au maximum, d'autre part.
- les produits manufacturés dans cette zone seraient écoulés en temps record, avec un aéroport, un port, et une autoroute performants pour répondre aux exigences de la concurrence commerciale mondiale.
Si ces conditions ne sont pas remplies, eh bien la Chine est prête à construire votre aéroport, port, autoroute ou bien voie ferrée...! La Chine construira elle-même cette infrastructure selon ses normes pour garantir la fluidité de son commerce, c'est du gagnant-gagnant. C'est cela l'esprit de la nouvelle Route maritime de la Soie. Cet exemple peut être multiplié pour d'autres projets qu'ils soient industriels, agricoles, scientifiques, ou culturels. La stratégie est la même et seule la Chine maîtrise les tenants et les aboutissants d'un tel programme qualifié par certains de Plan Marshall du 21 Siècle.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.