Aujourd'hui, les ministres de l'Intérieur et de la Justice répondront, lors d'une séance plénière au Parlement, aux questions des députés sur les révélations du comité de défense S'agit-il d'une forme de pression sur le juge d'instruction en charge du dossier et qui a déjà à sa disposition les documents saisis au ministère de l'Intérieur ? On attend monts et merveilles de la séance plénière qui aura lieu aujourd'hui à l'Assemblée des représentants du peuple et qui sera consacrée à l'audition des ministres de l'Intérieur et de la Justice, Hichem Fourati et Karim Jamoussi, sur l'assassinat des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, à la lumière des données révélées, ces derniers jours, par le comité de défense des deux martyrs. Plusieurs observateurs ont déjà sauté le pas pour affirmer que la séance d'aujourd'hui constitue «un événement historique qui devrait lever le voile sur les vérités cachées relatives aux assassinats, vérités dévoilées par les avocats des deux martyrs et que les deux ministres devraient confirmer aujourd'hui devant les députés». E ces observateurs et analystes de s'attarder sur les péripéties qui ont précédé la décision du bureau de l'ARP d'inviter les deux ministres pour leur demander de dévoiler les données dont leurs départements disposent à propos des affaires Belaïd et Brahmi. L'idée générale sur laquelle ces observateurs fondent leurs analyses est que les conditions sont aujourd'hui réunies pour que «les vérités cachées soient dévoilées par les institutions qui les dissimulaient jusqu'ici en obéissant aux pressions des différents gouvernements qui se sont succédé depuis la perpétration des deux assassinats». Sauf que ces mêmes analystes oublient d'éclairer l'opinion publique sur une donnée fondamentale : le dossier des documents qu'on dit avoir dissimulés au ministère de l'Intérieur est déjà entre les mains de la justice et c'est au juge d'instruction qui a déjà saisi les documents en question que reviendra le dernier mot. Autrement dit, tout ce qui a été déjà révélé par le comité de défense, les commentaires ou les éclairages produits par les médias, les positions exprimées par les partis politiques (appartenant au camp accusateur ou à celui accusé) ne peuvent être considérés pour le moment que comme de simples hypothèses ou opinions dont seuls les auteurs assument la responsabilité tant que le juge d'instruction en charge de l'affaire et dépositaire aujourd'hui des sacs bourrés de documents saisis au ministère de l'Intérieur n'a pas rendu son verdict et informé l'opinion publique, après avoir fouillé dans ces sacs, que rien d'intéressant n'y existe et que le contenu ne pourrait faire rebondir l'affaire. Mais pour que le juge d'instruction se prononce, il faut attendre que passent des mois et des mois d'investigations et d'évaluation sérieuses des documents saisis, ce qui pourrait retarder l'annonce du verdict à une date qui ira au-delà des élections présidentielles et législatives de fin 2019. En attendant que le juge d'instruction entame le travail gigantesque qui l'attend, n'est-il pas légitime de s'interroger : la séance plénière d'aujourd'hui au Parlement et la tournée médiatique à travers les régions entreprise par les membres du comité de défense des deux martyrs en vue «d'éclairer, disent-ils, les Tunisiens de l'intérieur du pays sur les vérités des assassinats», ne constitue-t-elle pas en réalité une forme de pression sur le juge d'instruction qui se trouve dans une position que personne ne lui envie? La question que tout le monde se pose dans les cercles privés sans avoir le courage de la formuler en public est la suivante : et si le juge d'instruction présenté comme le messie rendait un verdict selon lequel les documents saisis ne comprennent aucune donnée à même de relancer les affaires des assassinats ? Imaginer une telle hypothèse pourrait décevoir ceux qui attendent beaucoup des rebondissements que l'affaire a connus ces dernières semaines du fait de la décision du comité de défense d'opter pour une stratégie de communication permanente promettant de distiller «les vérités à notre disposition, au moment opportun», comme le répètent les avocats Ridha Raddaoui et Naceur Aouini sur les plateaux TV et les radios où ils ont élu domicile depuis quelques semaines. Il reste, cependant, que toutes les hypothèses sont plausibles, y compris celle de l'instrumentalisation de l'affaire pour des considérations électoralistes.