Aux dires de Me Snoussi, la justice n'est guère indépendante, sa partialité est plus qu'évidente dans le traitement du dossier du martyr Hier, 6 février, cinq ans après l'assassinat de l'ex-secrétaire général du Watad, Chokri Belaïd, devant son domicile à El Menzah 6, le Parti des patriotes démocrates unifiés (Ppdu), fidèle à son âme, a commémoré, dans la douleur, l'anniversaire de la mort du martyr, sans pour autant renoncer à faire éclater la vérité. Face à un pouvoir judiciaire accusé d'avoir toujours tiré les ficelles d'un crime politique jamais vu dans l'histoire de la Tunisie post-Indépendance, l'affaire semble, jusqu'alors, faire du surplace. Pourtant, il y a de quoi pousser à trancher, sans hésiter à rendre le dernier verdict et juger, sans tarder, les coupables. Dans la foulée de ses festivités, tenues chaque année à la mémoire du martyr, le Ppdu a donné, hier matin à son siège à Tunis, une conférence de presse au cours de laquelle Me Nizar Snoussi, avocat et membre du comité de défense au nom du parti, a révélé de nouveaux détails de taille, censés, selon lui, démêler l'écheveau et édifier sur les dessous de l'enquête. D'emblée, il a commencé par dresser trois principaux constats révélateurs, dit-il, des failles et abus juridictionnels, dus, à n'en point douter, à une certaine complicité du pouvoir politique qui continue à camoufler la vérité. Le premier fait réside, d'après lui, dans l'hégémonie de l'exécutif et la pression qu'il exerce toujours sur le pouvoir judiciaire, ainsi que dans l'échec des réformes, notamment institutionnelles, devant être mises en œuvre au sein des ministères de l'Intérieur et de la Justice. Tandis que le second s'explique par le fait de voir le ministère public s'approprier la décision de choisir le juge d'instruction qu'il veut. Soit une mainmise flagrante sur le déroulement du procès. Le but n'étant, déduit-il, que de détourner l'affaire et masquer la vérité sur l'assassinat des deux martyrs Belaid et Mohamed Brahmi, le fondateur du Courant populaire. Trois constats, une vérité L'autre constat, le troisième, se résume en «deux faits prouvés» : «Le camouflage de la vérité et l'effritement des pièces à conviction, mais aussi l'usage abusif de la loi, «l'impunité législative», dans le sens d'entraver le processus de l'enquête et puis tolérer l'impunité des auteurs», conclut l'avocat de la défense. Cela dit, preuves à l'appui, l'affaire Belaïd fut divisée en deux parties : un procès déjà en cours devant la chambre criminelle n°5 au tribunal de première instance de Tunis dont la prochaine audience aura lieu le 20 février, l'autre étant en phase d'appel jusqu'à nouvel ordre d'ici le 22 février, date de l'audience. De même, le juge d'instruction au bureau d'enquête n°13, actuellement promu au poste de procureur de la République, demeure, alors, pointé du doigt pour avoir refusé d'adresser des accusations contre aussi bien le dirigeant d'Ennahdha Ali Laârayedh, alors ministre de l'Intérieur, que ses lieutenants de l'appareil sécuritaire dit parallèle. Cela étant, aux dires de Me Snoussi, la justice n'est guère indépendante, sa partialité est plus qu'évidente dans le traitement du dossier du martyr. Et d'ajouter qu'il n'y a pas eu du sérieux dans l'affaire du dénommé «Abou Iyadh», lequel est impliqué dans des actes terroristes, celle d'Abou Babaker Al Hakim ou aussi celle relative à Abdelhakim Belhaj, actuellement accusé d'atteinte à la sûreté de l'Etat. D'autres arguments pris à témoins Ce sont là autant de faits considérés comme preuves irréfutables que le représentant du comité de défense a dévoilés aux médias. S'y ajoutent, en guise d'arguments, d'autres déclarations politiques si fracassantes qu'il prend pour témoignages significatifs à plus d'un titre. Il s'agit, selon lui, de celles émises, le 22 février 2013, par Ali Laârayedh à propos de la fuite du dénommé Kamel Gadhgadhi, mort au terme d'un assaut contre une maison à Raoued, jusqu'ici considéré comme le meurtrier présumé de Belaïd. Ensuite, les propos de Lotfi Ben Jeddou, l'ex-ministre de l'Intérieur, qui avait dit que Gadhgadhi circulait à l'avenue Bourguiba lors des festivités accompagnant l'adoption de la Constitution. De même, la démission surprise de M. Salah Ben Aissa, ancien ministre de la Justice, puis celle de son successeur Amor Mansour. Le communiqué d'Ennahdha, datant de juillet 2016, dans lequel il a soutenu, à l'époque, la position du juge d'instruction du bureau n°13. De son côté, le Ppdu a fait de son mieux pour s'y opposer. Il n'a pas manqué de procéder à moult procédures de défense, tout en portant plainte à son encontre quant à la disparition du véhicule du crime et l'absence de documents douteux liés au procès. Il y a, par ailleurs, d'autres procédures opérées par ledit comité de défense. «L'affaire est de nouveau au bureau numéro 13, afin d'appliquer les 17 points qu'avait demandés le Ppdu», a fait savoir l'avocat. Le secrétaire général du Ppdu, M. Zied Lakhdar, a invoqué mille et une raisons pour ne pas lâcher prise, jusqu'au dévoilement de la vérité. Besma Khalfaoui : «Nous ne sommes pas satisfaits de l'action du FP et du PPDU» Besma Khalfaoui, veuve du martyr Chokri Belaïd, a indiqué que la famille Belaïd n'est désormais plus concernée par les affiliations politiques et n'est pas satisfaite de l'action du Front populaire (FP) et du Parti des patriotes démocrates unifié (Ppdu) en ce qui concerne la défense de Chokri Belaïd. Dans une déclaration, hier, en marge d'une conférence de presse tenue à la Maison de l'avocat à Tunis, à l'initiative de l'Ordre des avocats, Besma Khalfaoui a estimé que les actions du FP et du Ppdu en matière de défense du martyr «ne sont pas à la hauteur de Chokri Belaïd». «Si la famille Belaïd est présente à la conférence de la Maison de l'avocat sur la commémoration de l'anniversaire de l'assassinat de Belaïd, c'est parce qu'elle a reçu une invitation de l'Ordre national des avocats de Tunisie», a-t-elle tenu à préciser, ajoutant qu'aucune autre invitation n'a été adressée à la famille. «Si le Front populaire nous avait invités, nous aurions répondu à l'invitation». Selon elle, le FP et le Ppdu ont adopté le même parcours militant que celui de Chokri Belaïd, mais la famille du martyr n'est pas d'accord avec eux sur plusieurs points. «Nous ne sommes pas ennemis. Notre seul ennemi est l'auteur de l'assassinat. Notre requête commune est de connaître toute la vérité sur l'assassinat de Chokri Belaïd et de poursuivre son auteur en justice», a-t-elle souligné.