Parmi les courts métrages de la compétition nationale de cette 23e édition des JCC Il était une fois à l'aube (2010), signé Mohamed Ali Nahdi, était l'un des plus attendus. D'abord, parce qu'il est le seul film de cette section à avoir créé une grande polémique avant même sa sortie. Et pour cause : il n'a pas été retenu dans la compétition internationale. Mais à quelque chose malheur est peut-être bon ! Le réalisateur a bien su tirer profit de cette «déception» qui, en fin de compte, lui a servi de «propagande» gratuite. Ensuite, parce que Le Projet (2008), le premier court métrage de Mohamed Ali Nahdi, a été applaudi aussi bien par les critiques que par le public, et d'une manière quasi unanime. L'on s'attendait, alors, à ce que le deuxième opus du cinéaste soit de la même veine, sinon meilleur. Revenons maintenant au fond du film. En 24 minutes, Il était une fois à l'aube met en scène, le temps d'une soirée, les déboires d'une bande de jeunes appartenant à la classe huppée de la société tunisienne. Une soirée qui finit très mal. En fait, le court métrage est sur la même vague que le feuilleton Mektoub et Cie. Jeunes, jet-set, argent, drogue, alcool, sexe, excès, …tout y est. La même recette, avec un langage obscène en supplément. Nous pouvons, ainsi, affirmer sans trop risquer de nous tromper que ce court métrage s'inscrit dans un effet de mode local. Les fictions tunisiennes aussi bien au cinéma qu'à la télévision — le théâtre également — ont, pendant longtemps, consacré et usité l'image du rural. Le public s'est lassé de ces représentations à travers lesquelles il ne s'identifiait pas. Alors changement de cap maintenant : place à l'élite socioéconomique. Au-delà du fait de se focaliser sur des aspects de la vie d'une certaine catégorie de jeunes, Mohamed Ali Nahdi a voulu offrir, sur le grand écran, le reflet d'une réalité, abordant plusieurs problèmes comme les dérives de la jeunesse, le divorce, les conflits générationnels, les crises d'identité. Mais en réalité, tous ces sujets ont été un prétexte pour évoquer les accidents de la route, objet principal du film. Seulement, la manière de traiter ce sujet a fait que Il était une fois à l'aube devienne, du coup, un long spot institutionnel dans le sens de sensibiliser et de prévenir une population cible. En plus, le film débouche sur des évidences, l'histoire étant trop facile, trop prévisible, un peu trop même, avec une forte impression de déjà vu. Côté casting, il n'y a pas eu de véritables découvertes parmi les huit nouveaux acteurs. Jeu passable, dirions-nous, mais pour un premier essai c'est peut-être normal. Sinon, il y a eu des apparitions furtives d'Hélène Catzaras et Leila Chebbi ainsi que la participation de Souad Mahassen, Walid et Mohamed Ali Nahdi, lui-même réalisateur. Ces deux derniers campent le rôle de jeunes Tunisiens résidents à l'étranger, venus passer des vacances au pays. Deux personnages bien sympathiques, mais dont la présence dans le court métrage ne nous paraît pas très justifiée. Le réalisateur est surtout tombé dans le piège de la stéréotypisation, proposant un portrait assez caricatural de ces « beurs » ou « rebeus », termes utilisés dans le film et qui, rappelons-le au passage, ont été inventés pour désigner — d'une manière péjorative — les deuxième et troisième générations d'immigrés nord-africains en France. Un bon film est, à notre avis, celui qui bat en brèche les clichés et non pas celui qui les consacre. Mais Nahdi a peut-être pensé à la distribution de son film dans le circuit cinématographique occidental en lui ajoutant ces deux personnages… Toutefois, dans Il était une fois à l'aube, il y a du bon aussi. Mohamed Ali Nahdi a su coller à une réalité, se focaliser sur des aspects de la vie de certains jeunes pour les transposer au cinéma d'une manière très professionnelle. Le rythme du film est, en effet, rapide, les cadrages et les lumières réussis, le ton fort et direct avec un brin d'humour. Il faut dire que ce n'est pas là une surprise, car même s'il en est à son deuxième court métrage, Mohamed Ali Nahdi est réputé pour sa rigueur et son professionnalisme que ce soit en tant qu'acteur ou en tant que réalisateur. Il est clair que Il était une fois à l'aube se place nettement devant la plupart de ceux réalisés par d'autres jeunes réalisateurs. Même s'il n'est pas aussi convaincant que Le Projet, plus incisif, plus pertinent et surtout, moins inattendu, ce nouveau court a quand même le mérite d'avoir traité crûment un sujet aussi important que celui des accidents de la route, un fléau meurtrier qui fait, chaque année, des centaines et des centaines de victimes dans notre pays. A voir et à méditer…