Animé par Mondher Kalai, cet échange fut une belle occasion pour en savoir plus sur des figures du théâtre tunisien, arabe et africain, leur parcours, leur vision de l'art, leurs différents projets et se faire une meilleure idée, aussi, sur ce qui se fait sous d'autres cieux La Palestine est l'hôte d'honneur de cette édition des JTC avec un programme spécial qui débutera jeudi 13 décembre avec un bouquet de pièces théâtrales et un hommage à Arin Amri et Ahmed Abou Saloum. Le deuxième pays invité d'honneur de cette édition est le Burkina Faso qui est honoré avec un hommage à Olivia Ouedraogo et à Etienne Minoungou. Ce volet «Hommages» implique, également, plusieurs figures du théâtre tunisien, arabe et africain qui ont enrichi par leur talent, le patrimoine théâtral arabo-africain, à l'instar de Sabeh Bouzouita, Latifa Gafsi, Dalila Meftahi, Mansour Sghaier, Saber Hammi et Bahri Rahhali (Tunisie), Ghannem Ghannem et Khaled Trifi (Jordanie), Abdallah Rached (Emirats Arabes Unis), Hassane Kouyaté (Burkina Faso) et Carole Umulinga Karemera (Rwanda). Ces consécrations incluent, également, des institutions, des instances et autres festivals arabes et africains, tels que l'institution de recherches sur les spectacles (Tanger, Maroc), l'instance du théatre arabe, l'instance internationale du théatre, le festival international du Caire pour le théatre contemporain et le festival «Marché des arts du spectacle d'Abidjan». Ils nous parlent de leurs parcours Après les honneurs qui leur ont été rendus lors de la cérémonie d'ouverture, les JTC ont programmé, le lundi 10 décembre, une rencontre avec un bon nombre de ces artistes, abritée par le somptueux palais du Baron d'Erlanger (Ennejma Ezzahra). Animé par Mondher Kalai, cet échange fut une belle occasion pour en savoir plus sur leurs parcours, leurs visions de l'art, leurs différents projets et se faire une meilleures idée, aussi, sur ce qui se fait sous d'autres cieux. «Cet hommage est important dans le sens où il reflète une certaine reconnaissance, car ce qui prime, avant tout, ce sont les relations humaines», nous dit Sabeh Bouzouita. Le déclic s'est fait suite à une représentation de la fameuse pièce «Ghasselet Nweder» des deux grands Fadhel Jaziri et Fadhel Jaibi . «Cela m'a donné l'envie de faire du théatre et j'ai donc entamé des études à l'Institut supérieur des arts dramatiques dans sa première promotion», explique-t-elle. La jeune comédienne et conteuse Olivia Ouedraogo, qui est un exemple de persévérance, a tenu à souligner l'importance de ces hommages pour la jeune génération. Comédienne depuis l'année 2000, elle a vécu dans un village du Burkina Faso où il n'était guère évident d'évoluer et de se faire connaître contrairement aux comédiens qui évoluent dans les villes. «Les comédiens ruraux étaient oubliés et n'avaient pas les mêmes chances que les citadins. J'ai alors eu l'idée d'installer des échanges et des rencontres entre les deux. Et c'est comme ça qu'est née, en 2011, la Rencontre «Un village dans une ville». Ce festival, qui en est à sa 5e édition, œuvre à mieux faire connaître le rythme de vie des villages aux citadins à travers, entre autres, les activités traditionnelles savamment pratiquées dans différentes contrées mais qui tendent à disparaître. Présente, également, à cette rencontre, l'actrice, danseuse et saxophoniste belge d'origine rwandaise Carole Umulinga Karemera (Rwanda). Avec une carrière de plus de 20 ans, elle a mis l'accent sur les différents obstacles que peut rencontrer un artiste et qui pour elle ont été un moteur d'évolution et de motivation. Petite, sa famille était exilée en Belgique, elle a eu la chance d'évoluer dans sa communauté de réfugiés avec de grands maîtres de la danse et du chant. Mais ce n'était pas évident pour une réfugiée de faire du théâtre. «A 18 ans, j'hésitais entre des études en mathématiques ou en arts». Et c'était au hasard de choisir pour elle, en jouant à pile ou face, la pièce de monnaie l'a menée vers des études en arts! Le tragique génocide du Rwanda en 1994 l'a décidée de rentrer chez elle avec l'espoir d'y planter la vie . «La matière première dans mon travail c'est l'humain», souligne-t-elle. A son retour en 2005, elle a eu la chance, comme elle le note, de rencontrer des femmes, exceptionnelles avec lesquelles elle a décidé «de recommencer et de replanter la culture». Avec 8 de ces femmes, elles ont créé le «Ishyo Arts Centre» (Ishyo signifie le troupeau), un centre culturel, au cœur de Kigali, destiné à investir l'espace public. Le Burkinabé Hassane Kassi Kouyaté est metteur en scène, conteur et comédien au théatre et au cinéma. Il est à l'origine de la compagnie «Deux temps trois mouvements», du théâtre Galante à Avignon et, également, fondateur du festival international de contes Yeleen au Burkina Faso. Son père est le célèbre griot, comédien et acteur Sotigui Kouyaté à qui les JTC ont rendu hommage à plusieurs occasions. Petit, il se voyait pas faire du théatre qui, comme il l'affirme, l'empêchait de jouer au football. «Mon père mettait le theâtre au cœur de sa vie. J'assistais régulièrement aux répétitions et comme je finissais par apprendre les textes par cœur, il m'arrivait même d'y remplacer les comédiens absents», raconte-t-il. Et d'ajouter: «Je me suis orienté vers des études de commerce et je faisais du théatre pour pouvoir payer mes études. Et c'est suite au succès d'une pièce qui a parcouru 40 pays avec 800 représentations que j'ai fini par abandonner le commerce pour me consacrer au théatre». Il est actuellement directeur de la Scène nationale de Martinique qui réunit le centre martiniquais d'action culturelle et le centre culturel départemental, l'Atrium, et organise 6 grands festivals. Il prendra ses fonctions à partir de janvier 2019 en tant que directeur du festival de francophonie en Limousin. Abdulaye Konaté, le directeur du festival d'arts vivants «Marché des arts du spectacle d'Abidjan» (MASA), était également présent à cette rencontre. Il dirige le MASA depuis 4 ans. Il croit en l'importance de «creuser dans une discipline mais aussi de faire s'entrecroiser plusieurs disciplines», souligne-t-il en citant Michel Serres. «Notre désir est la convergence de plusieurs festivals d'Afrique», a-t-il conclu.