Les arts de la table et les produits du terroir sont mis en exergue, sous le regard des corps diplomatiques, dans l'espoir de faciliter leur accès au marché international. La Chambre nationale des femmes chefs d'entreprise (Cnfce) a organisé, les 11 et 12 décembre 2018, au siège de l'Utica, la première édition de l'exposition Wing (Women international gate). Il s'agit d'une exposition-vente de produits du terroir, représentant différentes régions et différents métiers, l'objectif étant de mettre en lumière le savoir-faire ancestral des artisanes soucieuses de perpétuer les produits typiques de notre patrimoine. La Cnfce aspire aussi, via cet événement, à promouvoir lesdits produits ainsi que ceux relatifs aux arts de la table tunisienne auprès des corps diplomatiques dans l'espoir de faciliter, au mieux, leur accès aux marchés internationaux. Parallèlement, des rencontres B to B ont été tenues entre des femmes chefs d'entreprise et des partenaires étrangers afin de nouer des contacts, de créer des réseaux professionnels et de débattre des problèmes entravant l'accès des entrepreneures au marché international dans l'optique d'y trouver des solutions salutaires. L'espace a été joliment aménagé afin de conférer à l'exposition une touche de convivialité à la tunisienne. Loin de ressembler aux expositions-ventes anodines, les visiteurs se sont trouvés, comme par magie, dans une ambiance quelque peu sudiste, où la moquette reprend quelque peu le sable rouge du désert, où la lumière tamisée rappelle, infailliblement, le coucher du soleil et où de mini-palmiers ont été montés, le temps d'une escapade imaginaire au fin fond des oasis… La céramique nabeulienne devenue tendance Une fois entré dans le premier pavillon, le visiteur découvre plusieurs tables magnifiquement dressées. Il s'agit, en effet, de l'exposition dédiée aux arts de la table tunisienne, placée sous le slogan «Un chic, si authentique ! ». Le regard se perd entre des services de table, des ustensiles de cuisine, des couverts et autres objets conçus pour sublimer la convivialité des repas, l'authenticité des mets. Yosra Zoghlami est artisane spécialisée dans l'art de la céramique. Diplômée de l'Institut des beaux-arts, cette Nabeulienne a choisi de s'investir dans un savoir-faire typique de sa région, tout en lui apportant une touche moderne. «J'insiste beaucoup sur le design simpliste, lequel convient parfaitement aux goûts des clients occidentaux, tout en préservant, intact, le cachet artisanal», indique-t-elle. Le démarrage du projet de Yosra ne date que d'une année, et voilà qu'elle marque sa présence aux expositions et salons spécialisés. «J'ai participé, au préalable, au Salon de l'artisanat au Kram. Il m'importe beaucoup de participer aux événements spécifiques. Ces derniers me permettent de savoir où me situer par rapport aux concurrents, de connaître mes points de force et de faiblesse et d'apprendre à évoluer», renchérit-elle. Yosra a choisi d'exposer un service de table en céramique, garni de calligraphies en bleu clair. Une série de quatre assiettes et un bol est proposée à 30d. « Une seconde vie aux matériaux » A côté de la table de Yosra se trouve celle de Mariem Triki, artisane touchant à plusieurs spécialités. Pour sa participation à l'expo Wing, elle a opté pour une thématique bien déterminée. «C'est une table ethnique, dont le concept rejoint celui du design pour le développement durable. Ma table comprend trois sous-thématiques. La première consiste en l'exposition de pièces uniques, fabriquées à partir des débris de verres, l'idée étant de donner une seconde vie aux matériaux. La deuxième sous-thématique, poursuit-elle, reprend la poterie typique de Sejnene mais sous une nouvelle vision. Il s'agit, en effet, d'un projet de coopération tuniso-canadienne pour l'amélioration des compétences d'un nombre d'artisanes investies dans la pérennisation de la poterie de Sejnene. La troisième sous-thématique consiste en la récupération de morceaux de vieilles céramiques pour la création de pièces d'art ». Autres créations, autres matériaux et autre vision des arts de la table font la distinction du savoir-faire de Mouna Mekni. Détenant un master en design-produit, elle propose des sets de tables en fibres végétales et en bois gravés à la main, des plateaux pour pâtisseries et des assiettes en bois hêtre et acajou. «En Tunisie, nous avons l'habitude d'exploiter le bois d'olivier pour la création des produits relatifs aux arts de la table. J'ai voulu briser la règle en tablant sur d'autres qualités de bois. Mes créations ont été primées au Salon de l'artisanat 2017. J'avais, en effet, décroché le meilleur prix de la création artisanale», indique-t-elle, ravie. Les prix des créations de Mouna varient de 20 à 60d. Saler et aromatiser Nous quittons ce pavillon pour découvrir l'exposition spécial produits du terroir. Il s'agit, pour ce volet, d'une initiative de la Cnfce qui consiste à booster le travail fourni, l'an dernier, par l'Apia, soit l'organisation de la première édition du concours des produits du terroir, et de permettre une meilleure visibilité des artisanes primées. Viktoria Danilko ép. Chelli expose des condiments naturels, dont du sel de mer aromatisé. De petites boîtes de sel au citron, aux tomates, sauge et basilic, aux herbes de Provence, au persil et céleri ou encore au bigaradier sauraient apporter saveurs au mets, tout en substituant le sel conventionnel en sel de mer. Ces petites boîtes sont proposées à 2d500 et à 3d. «Je propose aussi des câpres séchées et autres, marinées au citron. J'assure aussi la commercialisation d'autres condiments que préparent avec soin des artisanes à Béja », indique-t-elle. Export : il suffit d'un coup de pouce ! Un peu plus loin se trouve le stand de Leyla Mezghenni, fondatrice d'une société spécialisée dans la préparation des confitures et des confiseries 100% naturelles. Cette dame a su conférer à sa retraite sens et bon goût. Elle prend, en effet, à cœur la préservation des recettes de confitures à la façon grand-mère. «Je peux qualifier mes confitures de nostalgiques. Je les prépare d'ailleurs à partir des meilleurs fruits disponibles sur le marché, comme les figues, mais aussi la bergamote, les clémentines, le citron… Je tiens aussi à préparer la confiture de grenade à la manière ancestrale, à savoir aux graines de sésame et aux amandes », explique-t-elle. Et d'ajouter qu'une bonne confiture doit contenir autant de fruits tout en étant allégée en sucre. «Mes confitures contiennent seulement 20% de sucre. Elles sont naturelles et dépourvues de tout colorant et conservateur. Je propose aussi des recettes sans aucun additif sucré», ajoute-t-elle. Mme Mezghenni souhaiterait voir les produits du terroir reconnus comme étant les meilleurs sur le marché, conquérir les marchés internationaux. «Pour ce, note-t-elle, il faudrait que les responsables s'activent davantage afin de promouvoir les produits du terroir et soutenir les artisans dans leur mission, celle notamment de préserver le savoir-faire patrimonial». Un avis que partage Asma Aouinti, productrice d'huile d'olive bio, provenant de la localité de Bou Argoub à Nabeul. Cette productrice de l'un des plus prestigieux produits du terroir de Tunisie avait reçu, l'an dernier, le premier prix du concours organisé par l'Apia pour la qualité de son huile d'olive. Son produit est également certifié Ccpp. Cela dit, les perspectives de l'exportation demeurent, à son sens, limitées. «J'ai œuvré hardiment afin d'accéder au marché canadien, lequel figure parmi les principaux importateurs de produits bio. C'est une nouvelle étape que je m'apprête à franchir dans ma carrière de productrice», confie-t-elle, optimiste. Certes, les expositions-ventes contribuent, sensiblement, à l'amélioration de la visibilité et de la commercialisation des produits du terroir. Cependant, à défaut d'orientation et d'accompagnement, bon nombre d'artisanes et d'artisans se hasardent dans des marchés gagnant-perdant. Désireux de conquérir le marché international, certains se trouvent dans l'obligation de faire des concessions et d'accepter de vendre des produits du terroir sous une fausse enseigne. Les parties concernées sont vivement appelées à faire face à ces pratiques et à protéger au mieux les produits du terroir.