La salle de l'information, relevant du gouvernement et située à l'avenue Bourguiba en plein centre-ville de Tunis, se convertit régulièrement en un espace de promotion des produits du terroir et du savoir-faire artisanal que perpétuent inlassablement et avec autant de passion que d'application des artisans et des artisanes issus de toutes les régions. Des foires à but commercial offrent, à chaque fois, l'opportunité aux artisans d'exposer leurs produits et de bénéficier d'une meilleure visibilité dans une capitale agencée par le rythme de la consommation, et ce, en dépit des difficultés économiques et financières. Il est 11h30 en ce jeudi 22 février 2018. Des passants scrutent l'intérieur de l'espace en quête d'un produit attrayant qui serait le motif d'une visite improvisée. Une fois le seuil franchi, le visiteur entre de plain-pied dans un univers représentatif des spécialités les plus prisées de l'artisanat tunisien : des produits de maroquinerie revisités, des «jebba» modernisées, des bijoux de fantaisie inspirés du patrimoine mais aussi des produits alimentaires de terroir dont le miel, les gâteaux traditionnels, la «bsissa», les épices et bien d'autres encore, confèrent à la foire une diversité tentante. Une maroquinerie embellie de «margoum» Massaoud Bayari propose des produits de maroquinerie. Il s'est déplacé depuis Djerba pour fidéliser de nouveaux clients et améliorer ses recettes. «Ce n'est pas une première pour moi. J'ai déjà participé à ce genre de foires en quête de plus grandes opportunités de vente. La maroquinerie séduit plus les touristes que les clients tunisiens. Avant, ce domaine d'activité avait de quoi résister sur le marché. Aujourd'hui, les touristes sont comptés sur les doigts de la main ce qui réduit nettement nos chances de vente», indique-t-il. Malgré la crise, Massaoud tient à développer son activité en y apportant des touches originales, à même de moderniser un produit conventionnel — quoique typique — tout en préservant intacts et la qualité et l'esprit artisanal. L'on découvre une panoplie de produits fabriqués à partir de cuir véritable, notamment les porte-feuilles, les porte-monnaie, les mules traditionnelles ou «balgha», les valises, les sacs à main, les sacs à dos, les pochettes pour dames, etc. «Nous avons introduit une autre composante artisanale dans nos produits qui est le «margoum». L'assortiment du cuir et du «margoum» ennoblit le produit et lui confère une touche tendance tout en étant authentique», ajoute-t-il. Huiles essentielles : un réflexe de bien-être Un peu plus loin se trouve le stand de Saloua Tlili, représentante d'une nouvelle enseigne de produits naturels à base d'huiles essentielles. Ce genre de produit connaît une demande croissante, allant de pair avec l'intérêt pour la phytothérapie et pour les produits bio. Saloua propose, en effet, des huiles essentielles, extraites via les techniques de pression à froid et de la distillation de différents produits naturels. «Les huiles essentielles ont des vertus esthétiques et curatives importantes. Le consommateur tunisien en a la certitude. Toutefois, il devient méfiant quant à ces produits, découragé qu'il est par des huiles de mauvaise qualité», fait-elle remarquer. Et d'ajouter que pour vérifier la qualité des huiles essentielles proposées, le client est appelé à exiger la consultation des résultats d'analyse et la traçabilité desdits produits. Parmi les produits proposés, elle recommande l'huile essentielle des graines de lin et l'huile de ricin. «La plupart des Tunisiens ignorent que ces deux huiles sont comestibles. La première est riche en oméga 3 et 6 ainsi qu'en vitamine H. Elle soulage l'appareil respiratoire et prévient l'ostéoporose. Quant à l'huile de ricin, elle est recommandée contre la constipation», explique-t-elle. Outre les huiles essentielles, Saloua propose des masques sous forme de poudre à diluer. Le masque à base de graines de lin, par exemple, est à mélanger avec du lait. Le prix des huiles essentielles varie entre 10 d et 15 d. Quant aux masques, ils sont proposés à un prix promotionnel de 10 d. Les délices du terroir Les visiteurs se bousculent au-devant du stand de Dalenda Chennoufi, séduits par les bols de «bsissa». Dalenda est spécialisée dans la préparation des condiments du terroir. «Nous avons des «bsissa» à base d'orge, de sorgho, de lentilles, de carroube, de graines de lin, de dattes, de noyaux de dattes et autres, mélangée à des fruits secs et des raisins secs. Contrairement à nos concurrents, nous prenons soin de garantir aux clients des produits sans sucre ajouté, et ce, afin que les diabétiques puissent en savourer. Les prix de la «bsissa», poursuit-elle, varient de 4 d à 10 d pour les 500 grammes». Pour l'harissa, elle la propose sèche afin qu'elle tienne plus longtemps et garde tout son arôme. Dalenda possède un petit atelier familial. Et c'est grâce à de telles foires qu'elle parvient à gagner la confiance d'un plus grand nombre de clients. Les points du raffinement Si la plupart des artisans et des commerçants de produits artisanaux misent sur des produits aux prix abordables, Houda Chrigui, elle, continue de pérenniser un produit coûteux car de luxe. Issue de Ras Jebal, elle participe à la foire par des produits de linge de maison traditionnel. Elle expose des parures de lit, des chemins de table et autres accessoires brodés à la main. D'autres sont brodés à la machine sans pour autant perdre une miette de la splendeur unique des points de Nabeul, de croix ou de richelieu. «Les plus coûteux parmi mes produits sont conçus à partir de tissus nobles comme le lin ou la «karya». Brodés à la main, ils nécessitent jusqu'à trois mois de travail. Une parure de lit en lin peut ainsi coûter jusqu'à 1.500 d», indique-t-elle. Pour inciter les clients à acheter des linges de maison typiquement tunisiens, Houda a choisi d'utiliser, en outre, le satin et d'opter pour des broderies piquées à la machine. Ainsi, le prix de la parure de lit chuterait d'un cran pour se situer entre 80 d et 100 d. Néanmoins et malgré le nombre limité de clients intéressés par ces produits, Houda ne compte point se hasarder sur les marchés internationaux, convaincue que «le cachet tunisien ne peut être évalué à sa juste valeur que par les Tunisiens eux-mêmes».