Par Bady BEN NACEUR Oui, il règne comme un «Esprit Nouveau» et un certain «Purisme» dans le domaine des arts plastiques à Tunis et dans nos régions. J'emprunte volontiers ces deux vocables au célèbre architecte Le Corbusier auquel je consacrerai un témoignage digne de ce nom, la prochaine fois. Pour lui, en effet, tous ces domaines artistiques s'interfèrent et se conjuguent pour se débarrasser des entraves. Architecte-urbaniste le matin «pour émouvoir», il s'adonnait à la peinture et aux arts graphiques l'après-midi. Voici ce qu'il dit à ce propos : «Dessins, tableaux, sculptures, livres, maisons et plans de villes ne sont en ce qui me concerne personnellement qu'une seule et même manifestation créatrice vouée à diverses formes du phénomène visuel». On peut observer ce phénomène chez nous — à titre d'exemple — en traversant la «nouvelle cité» (que l'on croyait seulement artificielle et huppée) : «Les Berges du Lac». Il y a de tout dans cet élément d'un nouvel urbanisme dans la capitale et «purement» inventé de toute pièce. Et l'esprit de «Le Corbu», comme aiment à le désigner nos architectes-urbanistes dans leur propre jargon, règne d'un bout à l'autre de la Cité. Ce phénomène devrait s'étendre, d'ailleurs, à d'autres espaces urbains pas forcément «futuristes» mais inspirés du patrimoine local très riche en ce sens. Hammamet, bien sûr, et toutes les «stations» touristiques du nord au sud du littoral et de l'intérieur du pays. Encore une citation de Charles-Edouard Jeanneret (dit Le Corbusier) : «On met en œuvre de la pierre, du bois, du ciment, on en fait des maisons, des palais, c'est de la construction. L'ingéniosité travaille. Mais tout à coup, vous me prenez au cœur, vous me faites du bien, je suis heureux, je dis : c'est beau. Voilà l'architecture». Et c'est aussi ce que devraient faire nos artistes-plasticiens durant cette nouvelle période (post-révolutionnaire) où, nous l'espérons vivement, les problèmes politiques, qui ont envenimé la situation générale du pays, seront aplanis. Grâce aux nouvelles technologies et au retour intense de la photographie comme médium artistique à travers ses manipulations extraordinaires qui mettront en place cet «Esprit Nouveau». Autrefois, il existait bel et bien cette loi du Un Pour Cent (datant de 1936) qui établissait que les artistes plasticiens, toutes disciplines confondues, devaient travailler avec les architectes-urbanistes. On les appelait les «décorateurs» puis les «architectes-d'intérieur». Il faut raviver cette loi du côté du ministère des Affaires culturelles pour que les artistes ne soient plus des quémandeurs ou des mendiants. Il faudra mettre de l'ordre en ce sens. Et cela poussera assurément nos artistes à travailler en rapport étroit avec les richesses de notre patrimoine national, séculaire et millénaire. Pour le remettre au goût du jour par des rappels intelligents et non pas par mimétisme superficiel comme on a tendance à le faire encore. Nous sommes un pays baigné de soleil, de lumière et de couleurs, à l'envi. Un pays où il doit faire bon vivre. Que les artistes nous le démontrent à travers les élans calmes et sereins de leur imaginaire respectif. D'une «Tunisie radieuse» pour reprendre le propos de Le Corbusier en ce qui concerne «La cité radieuse» qu'il construisit à Marseille, durant le siècle dernier.