Par Kamel Ghattas Se serait-il jeté dans une barque au milieu de dizaines d'autres désespérés pour «améliorer»son sort ? C'est à voir. Mais lorsque nous enregistrons la «désertion» d'un jeune sportif d'élite à la faveur d'un déplacement à l'étranger, nous ne pouvons que soulever, de nouveau, le cas des jeunes qui, ne pouvant plus survivre dans les conditions qui sont les leurs, décident de partir à l'aventure. Ce qui suit n'est pas pour excuser l'acte, mais bien pour inciter à la réflexion. C'est que les tentations sont trop importantes et les pays, qui sont à l'affût de pareilles désertions, deviennent de plus en plus actifs pour favoriser ces départs, en offrant toutes les commodités d'un sport en pleine expansion. Cela ne concerne pas les seuls pays du Golfe, mais des nations beaucoup plus développées s'alignent au rang des preneurs. Les jeunes de ces pays-là ne veulent plus s'adonner à certaines disciplines sportives où il faudrait réellement souffrir pour s'imposer. La boxe, la lutte, les sports de combat en général, l'athlétisme qui exigent une morphologie et des qualités bien spécifiques, sont au rang de ces disciplines. Le seul moyen de garnir les rangs et de se faire représenter dans toutes les spécialités sportives est maintenant d'opter pour cette «immigration» sélectionnée. C'est pour cette raison que nous retrouvons de plus en plus de sportifs d'élite provenant du continent africain au sein des sélections européennes. En principe, leur détection se fait au berceau, à l'issue des compétitions des très jeunes dans leurs sélections respectives. Une fois les éléments repérés, la suite n'est plus qu'un jeu d'enfant. Mieux que cela, toute la famille du jeune à recruter est souvent prise en charge. A la première occasion, c'est la poudre d'escampette et la porte ouverte pour accueillir le nouveau «recruté». Etant très jeune, la marge est assez suffisante pour le prendre en charge, le faire naturaliser et, bien entendu, lui faire revêtir la casaque de son nouveau pays d'adoption C'est actuellement la règle du jeu, n'en déplaise à ceux qui hurlent pour dénoncer l'envahissement des sélections européennes par ceux qui viennent du sud. Les responsables sportifs de ces pays savent ce qu'ils font. Nous avons récemment appris la fugue du jeune athlète spécialiste du 400 mètres, Kesbi Alaeddine. Un jeune de 20 ans qui s'est «volatilisé» à la faveur d'une compétition internationale. Ce n'est pas la seule perte enregistrée par l'athlétisme tunisien. Un jeune qui, bien entendu, était pris en charge dans un centre de préparation, à l'image d'un certain nombre de ses camarades. Il s'ajoute à d'autres qui ont également pris le large. Ce ne sera pas le dernier. Et voilà un dossier aussi sensible qu'important à instruire pour éviter, du moins réduire autant que faire se peut, ces fugues qui sont en général décidées après avoir longuement réfléchi. Nous savons que le Tunisien aime viscéralement son pays et la décision de le quitter, quitter sa famille, sa ville, ses copains et amis n'est pas une mince affaire. Le besoin, les vicissitudes de la vie le poussent dans ses derniers retranchements et le ras-le-bol devient une motivation qu'on ne peut plus rejeter. C'est dire qu'une reprise en main de ces éléments que le sport national a mis du temps et des moyens relativement importants à former s'impose de toute urgence. Certes, les meilleurs bénéficient de quelques faveurs, mais en attendant ces décisions, le jeune de l'élite souffre. Il est loin de sa famille, n'a rien pour s'aligner sur le reste de ses camarades, endure les pires douleurs physiques à la suite des entraînements intensifs auxquels il est soumis et morales en se retrouvant démuni de tout. Un diplôme d'animateur en fin de carrière ne nourrit pas son homme. Le Département des sports, l'Etat se doivent de changer les choses. A moins que l'on accepte de travailler et d'investir pour les autres.