Un besoin urgent de relooking avant qu'il ne soit trop tard ! Le handball féminin agonise en Tunisie. Sa mort lente est facilement vérifiable. Ceux qui oseraient sortir de leur coquille pour dire le contraire feraient mieux de se taire. C'est que le constat est là, plus clair que la lune, plus blanc que blanc : un niveau de compétition locale de plus en plus bas, une formule du championnat tout simplement suicidaire, une sélection junior en veilleuse, une émigration incontrôlable des joueuses vers l'Europe et les pays arabes, et, pour assombrir davantage ce tableau… funeste, une dégringolade incroyable de la sélection senior dans le classement africain où, du trio de tête dont elle faisait toujours partie, elle est descendue à la 6e place ! A bien y voir, il n'y a pas lieu de s'en étonner, car, on vient de récolter ce qu'on a semé. Et ce qu'on a semé, c'étaient des épines, au lieu des roses. L'agriculteur le plus maladroit du monde ne l'aurait pas fait ! Le début de la fin ! Pour la petite histoire, pour les nostalgiques du bon vieux temps, le handball féminin était, par le passé, une rivière tranquille, un petit éden où on le pratiquait avec plaisir, dans la joie, dans un environnement sain et profondément imprégné des vertus de l'amateurisme. Dans ce décor familial, on se plaisait, qu'il pleuve ou qu'il vente, à admirer les belles prouesses de joueuses de talent, telles que Leïla Zaraâ, Fehima Ben Cherifa, Amel Zaïbi, Souad Ben Slimane, Leïla Zouhir, Hajer Ayari, Hedia Belhassine, Moufida Guizani, puis la génération non moins brillante des Hana Guenaoui, Thouraya Mhenni, Nehla Ben Brahim, les sœurs Chenouffi, etc. jusqu'à la dernière promotion des années 2000 dont les plus en vue s'appelaient Mouna Chebbah, Raja Toumi, Rafika Marzouk, Hela Msaïed, Amira Fekih Romdhane, Haïfa Abdelhak, Ines Khouildi, Asma Ghaoui, Rym Manaï, Fedia Omrani et Marwa Dhaouadi. En 2014, notre hand feminin, alors au sommet de son art, réussit à ramener au pays le titre africain qu'on n'avait plus gagné depuis près de 30 ans. Dans l'extraordinaire euphorie qui s'ensuivait sans interruption, personne n'avait pensé à cet après-triomphe. Personne ne s'était rendu à l'évidence que c'était bel et bien l'arbre qui cachait la forêt, et qu'il fallait compter avec le risque de voir ce sacre annoncer le début de la fin pour cette discipline. Oui, les prémices pessimistes et les signaux de mauvais augure étaient pourtant là, insoupçonnables : 1- Abusivement «embourgeoisé», notre hand féminin a rompu définitivement avec son amateurisme, avec l'instauration de belles primes de victoires, le lourd investissement dans le recrutement des joueuses, les mises au vert dans les hôtels de luxe du pays, la hausse vertigineuse des salaires des joueuses et des entraîneurs, l'engagement fou et au bas prix de nos handballeuses dans les clubs professionnels du Vieux Continent, la fréquence inarrêtable des conflits entre clubs et joueuses, etc. 2- L'absence, au sein de la fédération, d'une stratégie prospective concernant aussi bien la politique de formation que l'amélioration de la compétitivité de nos sélections de différentes catégories sur les scènes africaine et internationale. 3- L'entêtement des bureaux fédéraux qui se sont succédé à ne pas tirer profit des services et conseils de dirigeants expérimentés et mordus de la petite sphère, tels que Kamel Romani, Amor Baccouche et Hana Guenaoui au nez desquels on a fait et fait encore tout pour fermer les portes de la fédération ! 4- Autre gaffe non moins monumentale commise par la fédération, le non-recrutement de valeureux techniciens, à l'instar de Fethi Azzouzi, Mohamed Moâtamri, Samir Ghorbal et Moncef Hammami déclarés «persona non grata» pour on ne sait quelle raison, alors qu'ils auraient pu apporter le plus aux différentes sélections. En somme, tous ces facteurs, qui ne souffrent aucun doute, ont été lamentablement ignorés, négligés, marginalisés en ce temps-là. Les coupables ne le regretteront jamais assez, en constatant aujourd'hui de visu que notre handball féminin n'est jamais tombé si bas, avec, entre autres signes macabres, un championnat moribond, une formule de compétition des plus absurdes, des forfaits à gogo, des clubs pauvres et livrés à eux-mêmes, une absence totale de motivation matérielle, des associations qui disparaissent et d'autres qui risqueraient de connaître le même sort, des affaires et litiges à n'en plus finir entre les clubs et la fédération, un arbitrage pas toujours au-dessus de tout soupçon, l'absence fréquente des arbitres (notamment au niveau des championnats des jeunes), l'arrêt de mort des sélections régionales, l'exode massif des joueuses de plus en plus tentées par les clubs étrangers (Algérie, Emirats arabes, France, Roumanie...), une internationale tunisienne naturalisées en Hongrie, d'ex-grandes joueuses en retraite qui préfèrent aller entraîner dans les pays du Golfe, les conditions intolérables dans lesquelles se déroulent les stages des équipes nationales, la lutte des clans qui fait rage au sein de la sélection des seniors, le foisonnement des cas disciplinaires, des entraîneurs nationaux non encore payés et que sais-je encore. Bref, le tableau est des plus lugubres. Et il a été encore noirci par la crise financière sans précédent qui a durement touché la fédération et dont on ne voit toujours pas le bout du tunnel, à moins que le ministère de la Jeunesse et des Sports réagisse, en rétablissant les 30% que la ministre sortante avait injustement grignotés du budget annuel alloué à la Fthb. Le cas échéant, nous estimons que celle-ci pourrait alors s'investir dans un plan de relance susceptible de sauver le hand féminin dans nos contrées. Sinon, ce sport continuera à manger son pain noir.